Tuesday, August 28, 2012

Etat - Projet Ambatovy: Le bras de fer va se durcir !



Mardi, 28 Août 2012 09:07
C’est la panique à Ambatovy. On craint que le permis d’opérer ne soit remis de sitôt au projet alors qu’on pensait démarrer la production et la commercialisation d’ici la fin de l’année. Un « joro » (cérémonie rituelle avec sacrifice de zébus) a été réalisé sur place le 21 juillet dernier pour bénir le projet. Cette cérémonie est intervenue un mois après que le gouvernement ait décidé, en conseil du gouvernement d’autoriser la mise en service. Le communiqué du conseil le 19 juin 2012 indique notamment : « étant dûment constaté que les visites et contrôles effectués ont été concluants, l’autorisation de mise en service du projet Ambatovy à Toamasina a été concédée ».
Pour le commun des mortels, cette autorisation est un permis d’exploitation. Les initiateurs du projet eux-mêmes devaient également penser que la délivrance de ce fameux permis ne serait plus qu’une pure formalité. Ce ne sera pourtant pas le cas.
Normal donc qu’on panique. A preuve, c’est un dimanche que le projet a alerté l’opinion en diffusant un communiqué indiquant qu’il est toujours en attente de son permis d’opérer. En réalité, cette annonce fait suite à la déclaration du ministre des Finances Hery Rajaonarimampianina à Brickaville où il avait indiqué, jeudi dernier, que de nouvelles études sur les impacts environnementaux et les retombées économiques et sociales seront tenues sur le projet Ambatovy. En plus clair, le projet sera suspendu à ces études.
Cette déclaration va à l’encontre de la décision du conseil du gouvernement du 19 juin dernier. Mais quand on pousse l’analyse, ce serait d’abord la remise en cause de la ministre des Mines, son département étant chargé des formalités techniques du dossier au niveau de l’Etat. Depuis son séjour très controversé en Chine où elle et toute son équipe du ministère ont été invités par la société Mainland qui est pointé du doigt pour son exploitation de sables ilménites dans le sud-est, et son voyage actuel en Australie où serait invitée par une société impliquée dans le conflit relatif à l’exploitation du charbon de la Sakoa, de fortes suspicions portent sur Daniella Randriafeno alors que c’est elle qui devrait délivrer le permis d’opérer du projet Ambatovy.
Mais au-delà de ce fait inter-gouvernemental, c’est peut-être le moment où jamais pour l’Etat malgache de remettre en cause les conditions financières d’exploitation d’Ambatovy. Selon la loi sur les grandes mines qui a été votée sous Marc Ravalomanana, les investisseurs n’auront en effet qu’à payer à l’Etat des redevances de 2 % sur l’exploitation des ressources minières nationales. Ce n’est pas la faute aux canadiens Sherritt et SNC-Lavalin, à la japonaise Sumitomo et au Coréen Korea Resources Corporation de s’associer pour profiter de la grande braderie que leur a offerte M. Ravalomanana.
Les initiateurs du projet ont toujours fui tout débat sur le taux de redevances en avançant le montant des investissements et les effets sur l’économie en général. Mais si on dit qu’il s’agit du plus gros investissement jamais réalisé à Madagascar avec un montant de 5,5 milliards de dollars, le communiqué du projet reconnaît que 2 400 milliards d’AR ont été consentis en marchés locaux, soit 20 % seulement du total indiqué; tout le reste a été dépensé à l’étranger en machines, matériaux, équipements... Quant aux retombées financières pour l’Etat, des projections estimeraient à 37 milliards de dollars les ventes cumulées de nickel et de cobalt au bout de 27 années d’exploitation contre environ moins de 5 milliards de taxes et redevances pour l’Etat malgache, soit l’équivalent de notre dette extérieure.
En suspendant la délivrance du permis d’opérer, le régime de Transition ferait ainsi pression sur le projet pour revoir les conditions financières. Légalement, il est cependant impossible de revoir ces conditions tant que des amendements ne sont pas portés sur la loi sur la grande mine. A priori, one ne peut pas le faire car il s’agit d’une grande décision que la feuille de route interdit de prendre. A fortiori, cette loi n’est pas plus importante que les lois électorales et celles sur l’amnistie qui ont été bien soumises par le gouvernement et votées par le Parlement. On verra jusqu’où ira la pression du régime.
En attendant, le projet Ambatovy n’entend visiblement pas rester les bras croisés. Hier, il a diffusé un nouveau communiqué indiquant notamment qu « Ambatovy n’a pas encore reçu officiellement le permis d’opérer qui lui permettra d’entrer en production. Aussi, la Compagnie a pris la décision de réduire les activités des contractants qui ne sont pas directement liées à la finalisation de la mise en service et des essais techniques de l’usine de Toamasina. Ambatovy a notifié ce jour ses sous-traitants et fournisseurs d’une possible réduction future des activités non-essentielles durant cette période d’achèvement de mise en service et des essais techniques ».
Dans les faits, cette annonce du consortium veut dire la fermeture de nombreuses PME et donc la mise au chômage de milliers de gens même si le projet lui-même « n’envisage pas (encore) de chômage technique des employés pour l’instant dans la mesure où la Compagnie espère recevoir le permis dans les meilleurs délais ».
Quoique le projet dit ne pas vouloir entrer en conflit direct avec l’Etat en soulignant à chaque fois qu’il poursuit son dialogue avec le gouvernement, ce dernier verra d’un mauvais œil la perspective de fermeture des PME qui vont se retourner contre le régime. Car que les responsables d’Ambatovy le veuillent ou non, certains caciques du régime y verront une tentative de manipulation contre lui. Le bras-de-fer risque de se durcir.
Salomon Ravelontsalama

 

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