Thursday, March 29, 2012

Des médecins créent des avatars de patients cancéreux… dans des souris



La médecine est en train d'entrer dans l'ère Avatar. On se rappelle que, dans ce film de science-fiction de James Cameron, Pandora, lune d'une exoplanète, est dotée d'une atmosphère toxique pour les humains. Pour y évoluer librement, sans scaphandre, des chercheurs créent des avatars, sortes de doubles biologiques à l'image des autochtones, dans lesquels les humains peuvent glisser leur esprit. C'est un peu le même principe que des médecins commencent à explorer en fabriquant, en la "personne" de souris, des répliques biologiques de patients malades, ce afin de pouvoir tester différents traitements sur ces cobayes.

Comme le raconte Nature, lors de la conférence annuelle de la Human Genome Organisation (HUGO) qui s'est tenue il y a deux semaines à Sydney, le spécialiste australien du cancer Sean Grimmond a présenté l'exemple d'un patient atteint d'un cancer du pancréas, dont des tissus tumoraux ont été greffés sur une souris privée de défense immunitaire, afin de créer un modèle personnalisé du malade. L'idée des médecins était de pouvoir tester sa réponse à une chimiothérapie à la mitomycine C, d'ordinaire réservée au traitement d'autres cancers mais qu'ils espéraient efficace dans ce cas particulier, sur la base d'une analyse préliminaire de la tumeur. Ils ont effectivement vu les tumeurs qui s'étaient développées dans la souris se réduire sous l'effet de la molécule. Malheureusement, leur patient est décédé avant d'avoir pu être traité, le cancer du pancréas étant de très mauvais pronostic et d'évolution rapide.

Cet exemple fait suite à une expérience semblable qui, elle, s'est mieux terminée. En janvier 2011, un article publié dans Molecular Cancer Therapeutics a relaté le cas d'un homme de 61 ans, atteint d'un cancer du pancréas avec métastases qui s'est avéré résistant à la gemcitabine, la chimiothérapie couramment lancée dans ce type de cancer. Les médecins qui s'occupaient du cas ont alors décidé d'implanter des morceaux de la tumeur qu'ils avaient retirée dans plusieurs cohortes de souris, créant ainsi des clones du malade et testant sur eux plusieurs traitements. Visiblement, la mitomycine C fonctionnait bien et elle fut administrée au patient avec d'autres médicaments. Alors que la plupart des personnes atteintes de ce genre de tumeur ne survivent en moyenne que quelques mois, l'homme, au moment de la publication de l'article, se portait bien et avait fêté, sans aucun symptôme, ses trois ans de rémission.

Pour le chercheur américain Edison Liu, président de la HUGO, "utiliser un avatar personnalisé de cancer donne la possibilité d'essayer plusieurs combinaisons et de faire des erreurs, avant de commencer le traitement. C'est la direction que prennent beaucoup de groupes de recherche." Cette technique du double biologique ne se limite pas au cancer et elle peut désormais être exploitée pour analyser in vivo le cas de personnes souffrant ou risquant de souffrir de maladies auto-immunes comme le diabète de type 1 ou la polyarthrite rhumatoïde. Dans un article publié le 14 mars par la revue Science Translational Medicine, une équipe américaine a annoncé être parvenue à transplanter le système immunitaire complet d'humains adultes chez des souris et ce sans rejet, créant ainsi, selon l'expression des auteurs, des rongeurs "humanisés". Ceux-ci pourraient donc devenir un nouvel outil de la fameuse médecine personnalisée que l'on nous promet depuis des années, une médecine futuriste jusqu'à présent basée sur l'analyse du génome de chacun. Reste à savoir comment rendre compatible la création d'avatars avec l'obligation qu'a la recherche de réduire l'utilisation d'animaux de laboratoire...

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