Monday, November 28, 2011

A quoi servent les conférences sur le climat ?

Des activistes de Greenpeace érigent une éolienne sur une plage de Durban, où s'ouvrait le 28 novembre un nouveau sommet sur le climat.


La planète tient sa grand-messe climatique annuelle. A partir du lundi 28 novembre et jusqu'au 9 décembre, 193 Etats, plus ou moins vulnérables et pressés d'agir, sont réunis à Durban (Afrique du Sud) pour la 17e conférence de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Officiellement, l'ordre du jour est ambitieux : dessiner un avenir au protocole de Kyoto, traité juridique obligeant les pays développés à réduire leurs émissions de CO2, afin de limiter l'augmentation de la température mondiale à 2 °C d'ici à la fin du siècle. Mais nombre d'acteurs s'interrogent déjà sur la capacité à s'arrêter sur le principe d'un traité global contraignant. Car tous restent échaudés par l'échec du sommet de Copenhague, le manque d'ambition et de volonté politiques et la crise de la dette qui occulte les préoccupations climatiques.

Comment les sommets sur le climat ont-ils été créés ?

Dans les années 1980, le monde prend conscience de l'urgence à lutter contre le changement climatique. Des scientifiques, comme les Français Jean Jouzel ou Claude Lorius, mettent en lumière, en analysant les glaces de l'Antarctique, l'existence d'une corrélation entre l'augmentation de la concentration de CO2 d'origine anthropique et le réchauffement de la planète. Puis, en 1990, le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui vient de voir le jour, produit son premier rapport, établissant les répercussions du changement climatique sur l'environnement, l'économie et la société.

Immédiatement, l'ONU convoque un sommet de la Terre à Rio en 1992. C'est la grande époque du climat : les Etats ratifient une Convention-cadre sur les changements climatiques, avec pour objectif de stabiliser les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre, adoptent un agenda d'actions à mener au 21e siècle (Agenda 21), et le rendez-vous est pris, chaque année, de tenir une conférence des Parties à la Convention sur le climat (COP en anglais), ce qui va devenir le grand rendez-vous de l'ONU en faveur du climat.

"Les Nations unies sont apparues comme le cadre naturel pour agir, car elles seules peuvent produire du droit international, explique Pierre Radanne, expert des politiques énergétiques de lutte face au changement climatique. Par ailleurs, le climat étant un bien international, tous les pays doivent être concernés par les négociations et pas seulement une poignée, comme l'induit le G20."

Quelles ont été leurs avancées ?

Trois ans à peine après la première conférence sur le climat, la COP 3, en 1997, aboutit à des avancées majeures avec l'adoption du protocole de Kyoto, premier – et unique – traité juridiquement contraignant. Il engage ainsi 38 pays industrialisés à réduire leurs émissions de CO2 de 2 % en moyenne d'ici à 2012, par rapport au niveau de 1990. Seuls deux pays développés refusent de le ratifier : les Etats-Unis et l'Australie – qui le fera finalement en 2007.

Si l'accord constitue un succès, le texte n'en est pas moins difficile à mettre en œuvre. Il faut ainsi attendre le sommet sur le climat de Marrakech en 2001, pour qu'il soit finalisé, et 2005 pour qu'il entre en vigueur. Les errements de l'application du protocole n'empêchent toutefois pas les négociations climatiques de progresser, avec la publication du 4e rapport du GIEC et le sommet de Bali, en 2007, qui demande, pour la première fois, aux pays émergents d'infléchir leurs rejets, avec l'aide financière des pays développés.

Puis, c'est la douche froide. Le sommet de Copenhague, en 2009, qui se révèle incapable de prolonger les engagements du protocole de Kyoto pour la période de 2012 à 2020, enraye la dynamique des négociations climatiques. La situation n'est guère plus favorable l'année suivante à Cancun (Mexique) : si les Etats adoptent des mécanismes financiers pour s'adapter au réchauffement climatique, aucun objectif global contraignant n'est pris pour limiter les émissions de CO2. Les Nations unies, et leurs 190 pays en 2009, apparaissent incapables de réagir rapidement face à des défis urgents.

Pourquoi les négociations piétinent-elles actuellement ?

"Nous nous trouvons dans un cycle bas des négociations climatiques", admet Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). La plupart des pays se sont engagés sur des politiques climatiques, mais de manière volontaire et non contraignante, avec des objectifs insuffisants et sans vision globale."

Pourquoi un consensus est-il si difficile à atteindre depuis Kyoto ? Car en quinze ans, la carte des pays pollueurs a totalement changé. En 1997, les pays en développement, pas concernés par le protocole, comptaient pour moins d'un quart des émissions de CO2. Aujourd'hui, ils sont à l'origine de plus de la moitié de ces rejets, la Chine, l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud faisant la course en tête. Si ces pays ont admis qu'ils devaient s'engager, ils refusent néanmoins de fournir plus d'efforts que les Etats-Unis.

C'est là où le bât blesse : Washington refuse toujours de ratifier tout accord climatique contraignant. "Les dix années de présidence Bush junior ont été fatales au climat, regrette le climatologue Jean Jouzel. Les Etats-Unis, plus gros pollueur au monde, ont toujours refusé de signer des objectifs de réduction chiffrés et de montrer l'exemple." Et Barack Obama, qui a désormais les mains liées par une chambre des représentants à majorité républicaine, ne devrait pas se montrer plus entreprenant sur ce dossier.

Sans compter que le manque de motivation pointe chez nombre de pays. "A la fin des années 2000, on s'est aperçu qu'une majorité d'entre eux n'a pas respecté ses engagements", note Pierre Radanne. Pour preuve, le Canada a vu ses émissions bondir de 30 % depuis 1990, au lieu de les réduire de 6 %, tandis que le Japon enregistrait 8 % de hausse au lieu de 5 % de baisse. Seule l'Union européenne est parvenue à respecter ses objectifs d'une baisse de 8 % entre 1990 et 2012, mais avec de fortes disparités entre les Etats. "Tous les pays qui ont pris du retard sur la première période d'engagement demandent maintenant à réduire leurs engagements, pour la seconde", ajoute l'expert. Les objectifs de réduction de 25 à 40 % des rejets d'ici à 2020 par rapport à 1990 semblent donc intenables pour de nombreux pays.

Au final, c'est moins le processus des négociations climatiques onusiennes qui pêche, que le manque de volonté politique des pays. "On assiste à un retour des intérêts nationaux court-termistes, exacerbés par la crise économique des pays développés et le besoin de financement des pays en développement", assure Sébastien Blavier, chargé de mission au Réseau action climat.

Quels outils permettraient de donner une nouvelle impulsion aux négociations ?

Le maintien des négociations climatiques dans le giron de l'ONU devrait s'accompagner d'une amélioration de la gouvernance. "Il faudrait alors une réforme de l'institution, pour qu'elle ait un pouvoir de sanction vis-à-vis de ceux qui ne tiennent pas parole", plaide Pierre Radanne. Le Réseau action climat, lui, propose la création d'un organe de règlement des différends, à l'instar de l'OMC pour le commerce.

La question du financement de la lutte contre le changement climatique, et de son adaptation, est aussi cruciale. "Le sommet de Durban devra finaliser le fonds vert pour le climat, en le dotant d'un financement conséquent afin de permettre aux pays du Sud de lutter contre le changement climatique."

Enfin, il s'agira de tracer une feuille de route vers un nouveau cycle de négociations, qui pourrait coïncider avec le nouveau rapport du GIEC en 2014, espère Laurence Tubiana. "Les rapports du GIEC scandent les négociations, explique-t-elle. Ils sensibilisent l'opinion publique et les politiques, ils obligent l'activité diplomatique à rendre des comptes. Ce rapport pourra permettre d'obtenir enfin un calendrier d'engagements de l'après-Kyoto."
Audrey Garric

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