Wednesday, November 23, 2011

Europe : Réformer la BCE, seule solution pour répondre à la crise ?

Les pays de la zone euro n'en sont pas encore tous convaincus, mais plus que jamais, la BCE apparaît comme l'ultime recours pour enrayer une crise économique qui n'en finit plus de miner la cohésion de l'Union européenne.

Mercredi en fin de matinée, la Commission européenne a officiellement proposé, en marge de sa note de travail sur les euro-obligations, un renforcement de la surveillance budgétaire des pays de la zone euro. Parmi les pistes évoquées, l'obligation pour chaque gouvernement de communiquer à l'avance les projets de budget à la Commission, projets qui seraient examinés et éventuellement retoqués par Bruxelles.

En cas de dérapage trop prononcé, une sorte de mise sous tutelle pourrait être envisagée par la Commission, en lien avec la Banque centrale : l'Eurogroupe pourrait recommander une assistance financière et demander aux "mauvais élèves" de mettre au point un programme d'ajustement.

La ligne tracée est claire : une surveillance plus étroite que celle imposée par le Pacte de stabilité et de croissance apparaît désormais comme un argument à même de rassurer les agences de notation et les marchés, rendus extrêmement volatils par les risques de contagion de la crise au sein de la zone euro.

Pour nombre de pays, ce rôle joué par la BCE dans cette nouvelle architecture ne va pas de soi, même si la plupart d'entre eux s'accordent sur le principe d'une plus étroite collaboration économique.

LE FESF, UN SUBSTITUT QUI NE CONVAINC PAS

La création du Fonds de secours financier européen (FESF) avait été décidée pour contourner l'impossibilité de la BCE d'être prêteur en dernier ressort. Or le FESF remplit mal sa mission, et ce pour plusieurs raisons. "Le FESF souffre d'un problème de ressources, explique Thomas Costerg, économiste chez Standard Chartered à Londres. L'Allemagne, le principal garant, tient à son triple A et ne souhaite pas augmenter ses garanties au Fonds."

Par ailleurs, "le FESF montre des signes de perte de confiance de la part des investisseurs", souligne-t-il : "la demande a été très faible récemment et souffre de la hausse des taux sur les marchés, il y a donc un risque qu'il ne puisse plus assurer les missions qu'on lui a confiées".

De plus "le FESF a un problème de réactivité et de flexibilité", ajoute Thomas Costerg, "afin de financer ses missions, il doit lever des fonds sur les marchés, ce qui prend du temps". "De son côté, la BCE peut, du jour au lendemain, déclencher des achats d'obligations de pays périphériques, c'est sa grande force : sa puissance est par définition illimitée car c'est elle qui imprime l'euro".

Illimitée, oui, mais à condition que tout achat de dette souveraine soit "stérilisé" (c'est-à-dire que l'achat de titres soit compensé, dans le bilan de la banque, par un retrait d'un montant équivalent sur la masse monétaire) : "C'est une barrière clé pour la BCE, car il y aura forcément un moment où elle ne pourra plus le faire, sous peine d'entrer dans un processus de quantitative easing (augmentation de la masse monétaire en circulation)", prévient Thomas Costerg. "Il est difficile de dire quand ce point de basculement surviendra, mais il va falloir s'en préoccuper rapidement".

Il y aurait un avantage indéniable à transformer le statut de la BCE et à changer le FESF en banque : celui de permettre au fonds l'accès aux liquidités de la BCE. "Mais il existe un grand tabou autour du financement des déficits par la BCE. L'Allemagne, en particulier, ne bougera pas sur ce point", ajoute Thomas Costerg.

"METTRE DE L'ARGENT SUR LA TABLE"

Et pourtant, la zone euro doit absolument envoyer un signal fort aux marchés : l'Espagne et l'Italie, dont les besoins de financement restent énormes, empruntent à des taux beaucoup trop élevés - autour de 7 % - ce qui alimente les craintes de contagion à d'autres pays, aux premiers rangs desquels la France. Même l'Allemagne, pourtant inflexible, ne peut ignorer les risques qu'elle-même encourt : mercredi, une adjudication d'obligations allemandes a rencontré une demande particulièrement faible, et ce malgré leur statut de "valeur refuge".
Pour autant, conférer à la BCE un statut proche de celui de la Federal Reserve américaine suffira-t-il à enrayer la crise ? Rien n'est moins sûr, estime dans une note interne George Magnus, économiste chez UBS. "Alors qu'un renforcement des mécanismes budgétaires, des procédures et des sanctions, ainsi qu'une meilleure coordination des politiques fiscales sont déjà en discussion, une eurozone viable et stable nécessiterait des institutions plus robustes, avec un pouvoir exécutif fort", estime-t-il. Sa suggestion : créer une agence de la dette européenne, qui aurait "mandat pour transformer les obligations souveraines de chaque pays en obligations européennes."

Pour George Magnus, la BCE doit en outre prendre ses responsabilités dans les ajustements demandés aux pays en difficulté, "en mettant de l'argent sur la table (...) pour répondre aux besoins des Etats et des banques en termes de refinancement, alors que l'appétit des investisseurs pour les dettes souveraines s'est fortement réduit".

UN RÔLE POLITIQUE IMPORTANT

Mais envisager le rôle de la BCE à l'aune de celui de la Fed revient à oublier qu'elle joue un rôle éminemment politique auprès des pays membres, comme le rappellent les économistes du blog Les éconoclastes : si la BCE refuse d'être prêteur en dernier ressort et ne s'engage pas à garantir qu'aucun pays de l'eurozone ne fera défaut, cela lui permet d'une certaine manière "d'instrumentaliser" la pression des marchés, et ce jusqu'à ce que les gouvernements dans le collimateur de ces derniers cèdent.

Première victime de cette stratégie, relèvent les auteurs : l'Espagne. Malgré ses efforts, et le respect à la lettre de la cure d'austérité qui lui a été imposée, Madrid subit des taux d'intérêt de plus en plus élevés pour se refinancer.

Thomas Costerg confirme : "La BCE est certainement consciente de son pouvoir sur les taux et les marchés ; le Pacte de stabilité instaurait des règles d'équilibre, mais le système de sanction était assez malléable, ce qui n'incitait pas à respecter les règles. Actuellement, c'est le taux d'interêt qui joue ce rôle de sanction."

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