Thursday, October 27, 2011

Quand les Etats-Unis se débarrassent de leurs déchets hospitaliers au Brésil

Rio de Janeiro Correspondance - Une entreprise brésilienne de textile de l'Etat de Pernambouc, Imperio do Forro de Bolso ("empire des fonds de poches") s'est vu infliger une amende de 3 millions de dollars (2,1 millions d'euros) par l'Institut brésilien de l'environnement (Ibama), mardi 25 octobre, pour avoir importé des Etats-Unis 46 tonnes de déchets hospitaliers.

La cargaison devra être réexpédiée vers son lieu d'origine, le port de Charleston, en Caroline du Sud. Il est déjà trop tard. La confusion s'est emparée de la région du Nordeste brésilien, où la société mise en cause comptait l'essentiel de sa clientèle.

Les deux containers, estampillés "coton défectueux", ont été saisis, les 11 et 13 octobre, par les services de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anvisa), dans le port de Suape.

C'est en ouvrant la cargaison que les autorités ont découvert des draps, des traversins, des pyjamas usagés, un amoncellement de tissus mélangé à des seringues, des cathéters et des gants provenants d'hôpitaux, tous situés aux Etats-Unis.

"Nous sommes immédiatement allés à la rencontre du destinataire, relate Gilberto Werneck, technicien de l'Ibama. C'est alors que nous avons compris que cette cargaison serait commercialisée". Dans l'un des entrepôts, trente kilos de "tissus non traités" prêts à être livrés ont été confisqués sur-le-champ. L'Imperio do Forro de Bolso a été prié de cesser toute activité. "Je ne veux pas croire que c'est une pratique courante", lâche, incrédule, Gilberto Werneck.

Pourtant, dès l'annonce de cette découverte préoccupante, la police a multiplié les prises dans de nombreux hôpitaux de la région, guidés par des dénonciations trouvant écho sur des radios locales.

Dans des entrepôts de la ville de Caruaru, près de Recife, 10 tonnes de draps, de taies d'oreiller, des vestes ont été retrouvées, toujours avec la même origine. A Ilheus, dans l'Etat de Bahia, une perquisition dans les locaux de l'hôpital régional a permis de mettre la main sur 830 kg de linge hospitalier. Cette fois, le tissu était estampillé des noms d'hôpitaux et de cliniques brésiliennes.

Mais le soulagement n'a duré qu'un instant. Selon la comptable de l'hôpital, les pièces ont été achetées "pour 2 reais (80 centimes d'euro) le mètre" à une entreprise locale dont le fournisseur serait basé à Santa Cruz do Capibaribe, où se trouve le siège de l'Imperio do Forro de Bolso.

Un vent de panique a gagné peu à peu toute la région. L'Anvisa a dû éclaircir la législation sur les déchets hospitaliers : "La marchandise appréhendée dans le port de Suape était dangereuse et d'origine inconnue", a précisé son directeur adjoint, Luiz Armando Amaral. L'Anvisa distingue les déchets communs (draps, combinaisons) soumis à des procédés de désinfection et pouvant être revendus, et les déchets hospitaliers, présentant des traces de sang ou de sécrétions humaines. Ces derniers doivent obligatoirement être incinérés.

Entre-temps, le propriétaire de l'entreprise, Altair Teixeira de Moura, a nié avoir importé 46 tonnes de déchets hospitaliers des Etats-Unis. Son avocat, Gilberto Lima, a pris le relais : "L'exportateur s'est trompé de marchandise ! Mon client achète, depuis 2009, du coton défectueux à Texport Inc.", a-t-il assuré.

Tous les regards se sont alors tournés vers les Etats-Unis. Le quotidien O Estado de Sao Paulo est parvenu à joindre, à New York, le porte-parole de la société nord-américaine. Celui-ci a refusé de révéler si le nom de l'Imperio do Forro de Bolso était inscrit sur son bordereau de commandes, avant de préciser : "Les ventes destinées à nos clients brésiliens sont négociéesdepuis notre siège en Inde."

Révoltés par le fait que le territoire brésilien puisse être considéré comme une poubelle, les élus sont intervenus. Le gouverneur de l'Etat de Pernambouc, Eduardo Campos, a officiellement demandé que le FBI puisse enquêter à Charleston.

Le secrétaire aux affaires sociales, chargé d'intercéder auprès du consul des Etats-Unis dans la région du Nordeste, a précisé que l'Agence de l'environnement nord-américaine pourrait envoyer un représentant au Brésil pour suivre l'enquête. "Nous n'allons pas permettre que notre Brésil devienne le dépotoir de n'importe quel pays", a déclaré, le 21 octobre, Alexandre Padilha, le ministre de la santé.

Lundi 31 octobre, une commission de la Chambre des députés se rendra dans l'Etat de Pernambouc pour accompagner les enquêteurs. Aluizio dos Santos Junior (parti Vert), l'un de ces six députés, s'indigne : "C'est un acte de barbarie de penser pouvoir commercialiser une telle marchandise ! Imaginez les gens qui manipulent tout cela ensuite ! Il y a un vrai risque de contamination."

La Commission visitera notamment le pôle textile de Suape, où "l'empereur des fonds de poches de pantalons" n'est plus dans les bonnes grâces des commerçants, toujours en "état de choc".

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