Friday, October 07, 2011

Nuits d'ivresse à Cardiff


Outre-Manche, on appelle ça le "binge drinking", comprendre la cuite express. Tous les week-ends, dans la capitale du Pays de Galles, comme ailleurs dans le pays, des jeunes envahissent les rues pour faire la fête, s'alcoolisant parfois jusqu'au KO.

"Je ne sors jamais seul. J'étais avec un ami photographe et ces filles prenaient la pose pour lui. Quand elles m'ont vu, elles ont été prises d'un fou rire. J'aime sortir des codes convenus du portrait."

A Cardiff, ce genre de scène fait partie du paysage de fin de semaine, quelle que soit la température extérieure : des jeunes filles, très légèrement vêtues et perchées sur de hauts talons, titubantes et vomissantes. Des post-adolescents débraillés avachis sur le bitume, la tête cabossée et les yeux vitreux. Tous complètement imbibés et à moitié conscients. Rien à voir avec une petite virée alcoolisée entre amis. Tous les samedis soir dans la capitale du Pays de Galles, des grappes de jeunes gens envahissent les pubs et les bars de St. Mary's Street, à quelques encablures du célèbre Millenium Stadium, avec un seul objectif en tête : se mettre carrément K-O. Une habitude qui concerne l'ensemble du Royaume-Uni.


En anglais, on appelle ça le binge drinking, entendez « biture-express ». On dit aussi « intoxication alcoolique aiguë » ou encore « alcoolisation paroxysmique intermittente ». Le principe reste le même : absorber la plus grande quantité d'alcool possible en un minimum de temps. Plus qu'un folklore, il s'agit désormais d'un véritable fléau outre-Manche. Un problème de santé et de sécurité publiques que les autorités ont bien du mal à résoudre. Comportements antisociaux, comas éthyliques, traumatismes, maladies du foie, problèmes cardiaques, violences, viols, accidents... Le binge drinking n'en finit pas de faire des ravages. Et touche toutes les classes sociales.


Selon une enquête européenne menée en octobre 2009, les Britanniques sont les plus grands consommateurs d'alcool de l'Union européenne (UE). L'UE étant elle-même la région la plus alcoolisée au monde. Si les sujets de Sa Majesté ne sont pas les buveurs les plus réguliers - - ils ne boivent que quatre fois en moyenne par semaine -, ils sont, en revanche, numéro un en termes de quantité ingurgitée en un seul soir. 24 % d'entre eux consomment au moins cinq verres en une soirée. Et ce sont les jeunes qui battent tous les records.


Il y a quelques années encore, ce « sport » était principalement réservé aux étudiants. Depuis quelque temps, les autorités observent qu'il tend à se féminiser et à gagner des collégiens pas encore teen-agers. En dix ans, la pratique de la « biture expresse » a doublé chez les filles âgées de 16 à 24 ans, tandis qu'elle se répand chez les 11-13 ans. En début d'année, un enfant de 3 ans a même été soigné pour alcoolisme dans un hôpital britannique. Il fait partie des treize jeunes âgés de moins de 13 ans traités pour leur consommation excessive d'alcool entre 2008 et 2010. Ils étaient près de 200 entre 13 et 16 ans.


Pendant ce temps, les distributeurs, comme les supermarchés, continuent de casser les prix, et les pubs, de vendre des pintes de bière (plus de 50 cl) à 3 euros et des alcopops pour quelques pence de plus. Ces sodas alcoolisés (jusqu'à 6 %) sont très prisés des filles : le sucre masque le goût de l'alcool, mais accentue son effet. Depuis des années Londres tente d'intervenir, mais les mesures répressives et les campagnes de prévention restent sans effet. Difficile de faire la leçon. Les étudiants de Bullingdon Club, un cercle très sélect de l'université d'Oxford, sont réputés pour siffler des bouteilles dans les grands restaurants avant d'aller dégrader et casser tout ce qui se trouve sur leur passage. Le maire de la capitale britannique, Boris Johnson, et le premier ministre, David Cameron, ont tous les deux été membres de ce célèbre « binge » club.

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