Wednesday, September 21, 2011

Vie de prof – Comment bien râler ?

Ce qu’on entend : « Les profs, ça râle tout le temps de toute façon. Tout le temps. Contre les élèves, contre les parents, contre le boulot, contre le ministre. Contre tout. S’ils ne sont pas contents, faut qu’ils changent de métier hein ? C’est quand même pas compliqué de faire classe, d’apprendre à lire, à écrire et à compter. Franchement, moi je ne le ferais pas mais bon… »

Vie de prof :

Voici un court extrait du Manuel du Parfait Petit Professeur que je tiens à partager avec vous. Il a été rédigé en 2001 par le Professeur G.Menluuntrucaussidébile (Gérard de son prénom). Le chapitre qui nous intéresse aujourd’hui est le suivant : « Comment bien râler ? » :

« La râlerie du professeur doit être de bon ton. Elle doit être mesurée et bien amenée si elle ne veut pas choquer constamment. Pour râler, vous aurez à cœur de prendre une voix claire et assurée ainsi qu’une posture charismatique. Afin d’appuyer votre râlerie, vous n’hésiterez pas à esquisser un petit geste de la main d’un air hautain et suffisant.
Si votre interlocuteur n’est pas sensible à votre râlerie, c’est probablement parce qu’il n’est pas professeur lui-même. N’insistez pas et passez votre chemin, cela vaut mieux pour vous (et pour lui).

Voici ici quelques raisons pour lesquelles il est manifestement de bon ton de râler :

Vous avez le droit de râler parce que votre classe est pourrie, parce qu’il n’y a rien que des boulets devant vous et que vous ne pourrez pas terminer le programme comme le souhaite votre cher ministre.

→ Il est tout aussi légitime de râler parce que votre classe est exceptionnelle, que tous vos élèves sont intelligents et qu’ils comprennent tout (en plus d’être travailleurs). Où est le challenge de cette année scolaire avec des élèves aussi parfaits (je vous le demande) ?

Vous avez le droit de râler parce que votre emploi du temps est pourri. Alors que vous êtes agrégé (15 heures par semaine), vous allez au lycée tous les jours. Genre le jeudi de 8h à 9h. Et évidemment, vous terminez le vendredi à 17h30. Ça, ça énerve.

→ Cela dit, on comprendra que vous râliez parce que votre emploi du temps n’est pas exactement celui que vous aviez demandé. Oui, vous avez votre mercredi. Mais vous bossez toutes les après-midi (et aucun matin) alors que vous êtes plutôt du matin, vous.

Vous avez le droit de râler parce que les parents de Steven n’ont pas signé le carnet de liaison indiquant que leur fils était un « agent perturbateur » et qu’il était, de ce fait, collé quelques heures en permanence.

→ Mais vous pouvez également râler lorsque votre petite dernière vous demande pour la trentième fois de signer son cahier du jour (avec les larmes aux yeux et la peur de se faire gronder).

Evidemment qu’il faut râler parce que les vacances sont trop longues. Deux mois d’été, c’est trop et la coupure n’est pas forcément bénéfique aux élèves. Non, vraiment, on pourrait ôter deux semaines, ça ne serait pas plus mal.

→ Mais clairement, il vous faudra asséner cette phrase à tous vos collègues dès le premier jour de la rentrée de septembre « Vivement la Toussaint hein ? » sous peine de passer pour un faux-professeur. Evidemment que les vacances d’été sont longues, mais l’écart entre toutes les autres est encore plus long…

Vous avez le droit de râler parce que les parents d’élèves ne vous font pas de cadeaux en fin d’année. Même un "merci" ça les tuerait ?

→ Et vous avez bien entendu le droit de râler si la mère de Johanna vous offre ENCORE un dauphin qui change de couleur selon la météo. Vous en avez déjà trois.

Vous avez le droit de râler en découvrant votre fiche de paye.

→ Sauf en juillet/août ça ne se fait pas (enfin, discrètement si vous y tenez)

Et vous avez clairement le droit de râler après cet extrait.

Parce que mine de rien, même si j’en ris et même si je me moque, nous avons des raisons de râler.

Et je ne dirais pas que nous râlons, non. Nous faisons parfois un constat amer de ce qui nous entoure.

De ces élèves, parfois chouettes, parfois adorables et parfois attachants. Mais parfois durs, incontrôlables et déstabilisants.

Parce que nous avons parfois peur, parce que nous avons parfois honte. Parce que certaines journées nous donnent le sentiment de n’avoir servi à rien.

Parce qu’il faut bien en parler. Parce qu’il vaut mieux en rire. Plutôt que d’en pleurer.

Conclusion

Je voudrais clore ici ces quatre épisodes « Vie de Prof » en vous remerciant.
Pour vos commentaires acérés, pour vos gentilles pensées, pour vos excellents conseils de changement de carrières et pour les rires partagés.

Vie de prof, ce n’est pas vraiment ma vie, ce n’est pas vraiment la vôtre, c’était juste pour dire, c’était juste pour rire, pour poser quelques questions et surtout pour déculpabiliser.
Parce que c’est un métier comme un autre, avec ses hauts, ses bas, ses bonheurs et ses déceptions.

Mais, parce qu’il touche à l’humain, parce qu’il touche à ce qui compte, ce métier est aussi l’un des plus chouettes. Peu importe pourquoi on râle, peu importe le temps qu’on perd, tout ce que nous faisons n’est pas vain.

Enfin, je me plais à le croire. Et j’ose espérer que vous aussi….

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