Monday, March 28, 2011

Antananarivo : Quatre cas de suicide en une nuit

Au moins quatre cas de suicide ont été enregistrés au service des urgences de l’HJRA la nuit du samedi 26 mars, fort heureusement ils ont été tous sauvés à temps. Vers 21 heures et trente minutes, ils ont reçu un jeune homme, âgé seulement de 17 ans. D’après les médecins, il a tenté de se donner la mort en buvant de l’acide, de l’alcool et quelques comprimés. Il était inconscient à son arrivé à l’hôpital et a été tout de suite transféré à la réanimation. Apparemment, le bonhomme a été victime d’une déception amoureuse.

Une autre suicidaire arrive aux urgences quelques minutes plus tard. Une fille de 18 ans qui a avalé une vingtaine de comprimés de nivaquine. D’après ses proches, elle avait eu une altercation avec sa tante et a décidé de mettre fin à ses jours.

Minuit, une mère de famille de 37 ans, a été transférée aux urgences. Elle est dans un état critique. La jeune mère, résidant à Ambohijanahary vient d’avaler des comprimés. Après un lavage gastrique, ses jours sont hors de danger.

Le dernier cas s’agit d’une jeune fille de 19 ans, qui a tenté de se suicider en ingurgitant une dizaine de comprimés de nivaquine. Selon nos informations, elle s’est disputée avec son mari toute la nuit et a décidé de mettre fin à ses jours.


Mais qu'est-ce qui pousse certaines personnes à se suicider ?


Les facteurs de risque


Une seule cause ne peut pas expliquer ce qui pousse une personne à se suicider. Les études ont toutefois démontré que certains facteurs personnels associés à des éléments déclencheurs peuvent rendre une personne plus à risque de faire un tel geste. Fort heureusement, d'autres facteurs peuvent réduire ce risque suicidaire .
Certains facteurs sociaux, familiaux ou personnels affaiblissent la résistance psychologique d'un individu et le rendent plus vulnérable au suicide. Ces facteurs de risque correspondent à des événements qui se sont échelonnés sur plusieurs mois ou des années et qui font partie du bagage de la personne. Voici quelques exemples de facteurs de risque chez les jeunes adultes :

1.
tentative de suicide dans le passé ;
2.
suicide dans la famille ;
3.
dépression ou trouble psychiatrique (ex. : schizophrénie*, psychose maniacodépressive) ;
4.
maladie physique chronique ;
5.
dépendance à l'alcool ou à la drogue ;
6.
questionnement sur l'orientation sexuelle ;
7.
impulsivité ou hypersensibilité ;
8.
instabilité familiale (séparation ou conflits fréquents) ;
9.
victime de violence ou d'abus ;
10.
solitude ou rejet par les pairs depuis l'enfance ;
11.
longue histoire d'échecs scolaires.

D'autres facteurs ou éléments peuvent précipiter une crise suicidaire. Ces événements doivent être suffisamment importants pour déstabiliser la personne. Voici quelques exemples d'éléments déclencheurs d'une crise suicidaire chez les étudiants, étudiantes ou jeunes adultes :

*
rupture amoureuse, décès ou suicide d'un proche, séparation de la famille ;
*
échecs scolaires, abandon ou exclusion d'un programme, ou encore refus d'admission ;
*
difficultés familiales ;
*
difficultés financières ;
*
problèmes relationnels ou amoureux ;
*
solitude, isolement ;
*
adaptation à une nouvelle ville, à la culture universitaire, à un programme d'études et au milieu scolaire parfois stressant et compétitif ;
*
insatisfaction face aux études, indécision face au choix de carrière, mauvais choix, inquiétudes face à l'avenir.

Heureusement, certaines conditions contribuent à réduire l'impact des facteurs de risque et des éléments déclencheurs. Ces conditions se nomment des facteurs de protection. Ils aident la personne à surmonter les obstacles de la vie. En voici quelques exemples :

* facilité à résoudre des problèmes ;
* sens de l'humour ;
* vision optimiste pour dédramatiser les situations ;
* relations familiales et sociales satisfaisantes et valorisantes ;
* disponibilité et accessibilité des ressources (école, travail ou ressources médicales).

En résumé, même si un ou une jeune adulte vit un problème chronique (ex. : maladie physique ou mentale) et vient de subir un échec (ex. : rupture amoureuse), le risque suicidaire peut être amoindri par le fait que cette personne vit dans un climat familial chaleureux et possède un réseau d'amis et amies qui la supportent dans cette épreuve.


Le concept de crise

Le Petit Robert précise que le mot crise provient du latin krisis, qui signifie « décision ». Si l'on tient compte de cette origine, personne n'est donc à l'abri de traverser une crise au cours de sa vie.

Selon Caplan (1961 : 34-37), la crise se présente « lorsqu'une personne rencontre un obstacle à des objectifs importants de la vie, obstacle qui est, pour un certain temps, insurmontable par le recours aux mécanismes ordinaires de solution de problèmes. Une période de désorganisation s'ensuit une période de trouble, pendant laquelle elle tente à maintes reprises, sans succès, d'arriver à une solution ». C'est donc une période de déséquilibre qui représente une occasion de changement ou de croissance mais qui peut aussi dégénérer en crise suicidaire.

Une crise ne dure généralement pas plus de six à huit semaines. Le corps humain, sur le plan physiologique, ne peut supporter davantage une telle tension et un tel déséquilibre. Il est question de crise suicidaire quand la personne entrevoit le suicide parmi les solutions à sa souffrance.

Voyons maintenant plus en détail les étapes du processus suicidaire lorsque la souffrance devient insupportable pour la personne.

Les étapes du processus suicidaire


Le processus suicidaire se déroule en cinq étapes. Mieux connaître ces étapes permet de cerner l'état de la personne en détresse et d'évaluer le degré d'urgence pour ainsi apporter une aide plus adéquate (voir le texte Signe précurseurs ou Quelqu'un que je connais pense au suicide ). À noter que ces étapes ne se suivent pas nécessairement de façon linéaire.

« Flashs » ou pensées


Une vision d'autodestruction de quelques secondes sans le passage à l'acte. Cette pensée peut disparaître sans revenir ou réapparaître plus tard. (ex. : se voir traverser la rue et se faire frapper par une automobile)

Idéations suicidaires


Les idées suicidaires sont de plus en plus fréquentes et peuvent durer quelques heures par jour. Le répertoire de solutions commence à s'épuiser. L'idée du suicide apparaît comme une solution possible.

Rumination


La personne pense tout le temps au suicide et ressent beaucoup d'anxiété. Elle ne voit plus d'autres alternatives pour soulager sa souffrance. À cette étape, elle commence à planifier son suicide et élabore de plus en plus ses scénarios. Le comment, où, quand se précise.

Cristallisation


Le suicide est retenu comme étant LA solution. La personne élabore son plan. Elle peut éprouver du soulagement, sachant que sa souffrance prendra fin.

Tentative de suicide

Le processus suicidaire est avancé et l'idée du suicide est cristallisée. La personne met en application son plan suicidaire.


Conclusion

Le phénomène du suicide à Antananarivo demeure préoccupant. Même si ses causes sont complexes, en connaissant les facteurs de risque et en comprenant davantage les concepts de crise et de processus suicidaire, les chances d'aider une personne en détresse s'en trouvent augmentées.

*Le terme de schizophrénie regroupe de manière générique un ensemble d'affections psycho-cérébrales présentant un noyau commun, mais dites différentes quant à leur présentation et leur évolution. On utilise le pluriel pour désigner ces schizophrénies.

« Schizophrénie » provient de « schizo » du grec « σχίζειν » (schizein) signifiant fractionnement et « φρήν » (phrèn) désignant l’esprit. C'est donc une « coupure de l'esprit », pas au sens d'une « double personnalité », comme on l'entend parfois, mais au sens d'une perte de contact avec la réalité ou, d'un point de vue psychanalytique, d'un conflit entre le Moi et la réalité.

C'est une pathologie psychiatrique généralement chronique, qui survient plutôt à l'adolescence ou au début de l'âge adulte.

La schizophrénie est une psychose, qui se manifeste par des signes de dissociation mentale, de discordance affective et d'activité délirante, ce qui a pour conséquences une altération de la perception de soi-même, des troubles cognitifs, et des dysfonctionnements sociaux et comportementaux allant jusqu'au repli autistique. Le terme est par ailleurs fréquemment utilisé au sens figuré, notamment dans la presse, pour évoquer des attitudes ou des propos simplement contradictoires.

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