Friday, February 04, 2011

Sécurité méritime : quand la DGSE s'en mèle

Gilles et Gilles. Ils ne sont pas comme les Dupont mais ils y ressemblent. Par leur prénom. Et par leur profession. MM. Sacaze et Maréchal sont tous deux des anciens de la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure, France). Des anciens barbouzes, selon l’expression consacrée.

Il y a environ trois semaines, des SMS et même des articles de presse ont largement discrédité ces deux hommes pour leur passé d’anciens agents secrets qui veulent faire des affaires à Madagascar. A priori, on a voulu véhiculer l’image négative des agents secrets qui sont catalogués au même titre que les mercenaires. On n’a aucunement tenu compte de l’expertise de ces professionnels qui ont longtemps servi leur patrie.

Un article du journal « Le Monde » en date du 5 juillet 2008 rapporte notamment le cursus des deux Gilles. « Gilles Maréchal, 47 ans, dirigeait jusqu’ici le service action de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) - le bras armé du renseignement militaire, chargé des opérations spéciales et clandestines mais aussi de l’évaluation de la sécurité des centrales nucléaires. A partir du mois d’août, cet officier franchira le Rubicon et rejoindra comme directeur général international et associé la société Gallice Security, créée en 2007. Avec vingt-neuf ans d’armée, dont vingt et un au service action, le lieutenant-colonel Maréchal peut faire valoir ses droits à la retraite. Impliqué dans les principales opérations extérieures, jusqu’à la libération des otages, le 11 avril, du voilier de croisière Le Ponant, au large de la Somalie, il a aussi commandé, de 2004 à 2006, le Centre parachutiste d’instruction spécialisée (CPIS), successeur du 11e Choc, l’unité parachutiste d’élite que dirigea naguère Paul Aussaresses (…). Les offres du privé ont afflué, qui lui ont proposé jusqu’à 120 000 euros par an. Il est vrai aussi que le président de Gallice Security ne lui était pas tout à fait inconnu. Gilles Sacaze a servi sous ses ordres au service action de la DGSE avant de rejoindre le privé, notamment comme responsable de la sécurité du Parc Astérix, et de fonder son entreprise. »

Bref, Gilles Maréchal et Gilles Sacaze disposent d’un CV assez solide pour proposer leurs services. Le problème est que le contrat de partenariat proposé à l’Etat malgache pour la sécurité maritime se fait dans le secret. Il y a deux semaines de cela, le ministre des Forces Armées avait annoncé que le renforcement de la sécurité des eaux territoriales malgaches contre la piraterie figure parmi les objectifs du ministère en 2011. Le général Lucien Rakotoarimasy n’a pipé mot sur le contrat de partenariat avec la Société Gallice. Les documents en nos possessions indiquent pourtant que le contrat devrait être signé en novembre, ce qui suppose que les discussions remontent à quelques mois plus tôt. Le ministre des Forces Armées a-t-il été écarté du contrat que l’on peut juger de dupes ? Est-il au centre d’une combine au détriment de l’Etat malgache ?

En tout cas, l’accord cadre de partenariat est plutôt bizarre pour les simplistes. Normalement, un accord porte sur plusieurs points dont les essentiels sont les obligations des contractuels et, surtout le partage des éventuels bénéfices. Dans ce contrat, on n’évoque en aucune façon la possibilité de retombées financières de l’accord. Le projet consiste pourtant à escorter des bateaux, ce qui suppose des coûts pour les armateurs et/ou les propriétaires de navires. L’accord ne parle pas d’aspect financier, du moins sur l’affectation des marges dégagées. L’annexe du document chiffre les coûts d’utilisation des éléments des Forces armées malgaches à plus de 100 euros par jour les trois militaires dotés d’un fusil AK47 (version chinoise de la Kalachnikov).

Dans ce contrat, on demande, en effet, à la partie malgache de tout fournir : hommes, armes et munitions, logistique… La Société Gallice se propose d’apporter donc l’expertise avec la formation du personnel et son réseau pour négocier aux bailleurs de fonds les moyens de renforcer la sécurité maritime dans la région, un « important opérateur maritime » étant dit avoir demandé la construction d’une « escorte navale ».

Dans le projet de contrat avec l’Etat malgache, Gallice annonce l’utilisation de la vedette de surveillance et de protection maritime « Libeccui ». Il s’agit d’une vedette construite dans les chantiers Estérel à Cannes en 1978 et vendu aux enchères 30 ans plus tard. Cette vedette avec les 3 marins malgaches et les 2 experts français suffit-elle pour faire fuir des pirates somaliens aguerris et super-équipés depuis ?

En tout cas, la négociation de contrat qui ne parle pas de coût financier est plutôt suspect. Et il risque de ternir davantage l’image de la transition et de Andry Rajoelina plus particulièrement. Qui plus est, la sécurité maritime dans la région n’est plus une affaire intérieure de Madagascar. Elle est devenue une préoccupation internationale dans laquelle on implique la Grande Ile, avec ou sans reconnaissance internationale du pouvoir en place. Mais qui donc continue de faire du business sur la tête de la Transition ?
Salomon Ravelontsalama (Sa)

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