Monday, January 17, 2011

Bernard Tapie à Madagascar


Bernard Tapie est dans nos murs, depuis hier soir. C'est vers 22 heures que l'homme d'affaires français a atterri à bord d'un jet privé. On ne sait s'il a été invité par le président de la HAT ou venu par l'entremise de ces conseillers qui gravitent autour de M. Rajoelina.

En tout cas, la Présidence était au courant de cette visite. D'ailleurs, c'est le secrétaire général du palais d'Ambohitsorohitra, Haja Resampa qui a accueilli à Ivato, M. Tapie. Et c'est le service de communication de la Présidence qui a annoncé à la presse l'arrivée de cet illustre personnage qui est connu à Madagascar tant dans le milieu sportif que dans le milieu des affaires et de la politique.

D'après le communiqué de presse officiel, Bernard Tapie " compte contribuer aux efforts de développement déployés dans le pays par le régime de transition ". Une réunion de travail est prévue à cet effet ce jour avec Andry Rajoelina. Aucun détail n'est donné sur la présence à Tana de M. Tapie qui est à la fois un homme politique, un businessman, un artiste et un sportif. Le communiqué, qui indique son dernier fait d'armes, à, savoir son entrée dans le capital d'Urbania, une société immobilière française, et la propriété d'autres sociétés, laisse entendre qu'il est d'abord venu en tant qu'investisseur.

Vis-à-vis de la France et de l'Europe, les autorités malgaches ne pouvaient, en effet, trouver meilleure image pour promouvoir les investissements que celle de Bernard Tapie. Par le passé, il a été critiqué, poursuivi par les autorités françaises, jeté en pâture par les médias, mais a su toujours rebondir. Au point d'atterrir à Madagascar aujourd'hui.

A bientôt 68 ans, Bernard Tapie est un modèle de self-made man à la française où la réussite est parfois contrecarrée par des jalousies et des intérêts contradictoires. Après des essais en Formule 3, en tant que pilote, le cinéma et la vente directe, Tapie est recruté dans un cabinet comme ingénieur-conseil. D'après sa biographie, publiée par Wikipédia, Bernard Tapie se met à son propre compte en 1977. Sa carrière de redresseur et de repreneur d'entreprises commence réellement. L'ancien acteur saisit les opportunités pour devenir une star de la télévision, à travers des émissions, tandis qu'il s'investit dans le sport, le cyclisme, notamment, avec une victoire de Bernard Hinault dans le tour de France en 1984, et l'Olympique de Marseille qui gagne la Ligue des Champions en 1993.

En politique, il connaît la même ascension jusqu'à devenir ministre de Pierre Beregovoy (sous François Mittérand) en 1992, peu de temps avant ses déboires en affaires. M. Mitterand l'a obligé de vendre tout son patrimoine avant d'entrer au gouvernement. Il sera par la suite accusé de corruption dans le match OM-Valenciennes. Il a dû par la suite vendre les joyaux de sa fortune comme Adidas (fabricant mondial d'équipements sportifs) ou le bateau " Phocéa ".

Au terme de batailles juridiques qui démontrent sa ténacité, Bernard Tapie figure aujourd'hui à la tête d'une fortune estimée à plus de 200 millions euros. Avec tout le respect qu'on lui doit, ce capital ne représente rien pour Madagascar, ses besoins immédiats et surtout pour suppléer la baisse des investissements étrangers, depuis la crise politique, en 2009.

Bernard Tapie peut toutefois servir de levier pour la Grande Ile. Il est connu de par le monde. Il est venu pour voir. A nous de le convaincre de devenir notre VRP de luxe dans le monde. Andry Rajoelina ou plutôt son entourage devrait, par exemple, rappeler à Bernard Tapie que durant la période socialiste, l'approvisionnement de Madagascar en carburants était assuré par le groupe Doumeng, du nom du milliardaire de gauche marseillais.

Quelle que soit la stature de M. Tapie, il ne faut toutefois pas compter totalement sur cette personnalité. Sa surface financière est plutôt modeste par rapport à ce dont le pays a besoin. Mais surtout, les autorités malgaches doivent être réalistes.

En juillet 2009, le régime de transition avait reçu en grande pompe le prince Alwaleed Ben Talal d'Arabie Saoudite. A cette période, des membres de la HAT avait fêté avant l'heure les " 5 milliards de dollars " du prince qui pèse plus de 20 milliards de dollars en fortune personnelle. La suite, on la connaît. Mais le régime continue quand même à se mobiliser pour trouver des financements. Apparemment, il mise sur des investissements privés qui sont plus bénéfiques pour le pays et peut-être pour la population, que ceux publics.

Si Bernard Tapie quitte ainsi ses bureaux parisiens pour une destination, située à 10 000 kilomètres de l'Hexagone, c'est qu'il y a sûrement anguille sous roche. Un business intéressant ? De toute façon, sa rencontre, dimanche, de près d'une heure avec Andry Rajoelina, devait exciter notre curiosité. La surprise est de taille.

Aussi, selon des documents qu'un de nos contacts nous a transmis, l'objet principal de la visite de M. Tapie en terre malgache aurait une relation directe avec " la résidence " en question. En effet, l'ancien patron de l'Olympique de Marseille aurait été sollicité par un Français, Philippe Leclerc, un proche de M. Rajoelina. M. Tapie est, en fait, administrateur d'URBANIA qui agit dans le secteur immobilier en France (480 000 logements gérés). D'après nos sources, Bernard Tapie est récemment entré dans le capital d'URBANIA. Il a mis sur la table, dit-on, 30 millions d'euros sur les 100 nécessaires.

Un grand scandale financier a touché l'an passé URBANIA dans lequel des établissements bancaires furent lésés (Société Générale, BNP Paribas, Monte Paschi Banque, Banque Palatine, Crédit Agricole…), et qui s'est trouvée même sous le coup d'une enquête du parquet de Paris. Un scandale qui est, cependant, survenu avant l'entrée de M. Tapie dans le tour de table d'URBANIA. L'homme, en tout cas, semble séduit par la construction ou la gestion de ces logements réservés aux " résidents " étrangers dans l'île. En clair, l'Etat malgache n'aurait alors à débourser qu'une infime partie du fonds quant à la réalisation de ce projet présidentiel.

Mais d'ici là, on aimerait savoir sous quelle forme prendra la participation d'URBANIA et à hauteur de combien ? Bien qu'on connaisse mieux Bernard Tapie de par son passé plutôt sulfureux, il semble que l'homme se soit racheté depuis. Toutefois, il reste redoutable en affaires. Quand, par exemple, il a perdu des plumes dans l'acquisition d'Adidas, il a su brillamment rebondir par la suite.

Néanmoins, Andry Rajoelina et son entourage doivent rester vigilants, ce qui est une attitude à prendre dans toutes les négociations, à caractère commercial et économique, avec des investisseurs internationaux. Etant donné que les hautes autorités du moment paraissent novices sur ce plan précis, la prudence est donc de rigueur. Mais au nom de la transparence, M. Rajoelina doit dévoiler les détails… Des investisseurs et entreprises locaux y seront-ils associés ?

En tout état de cause, voilà au moins un projet d'investissement qui va échapper aux Chinois. Ça nous change un peu.

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