Wednesday, November 17, 2010

Ce mercredi 17 Novembre, tentative d'une mise en place d'un directoire militaire à Ivato


Le général malgache Noël Rakotonandrasana, ancien ministre des Forces armées et actuellement sans affectation, a affirmé mercredi 17 novembre devant la presse avoir « suspendu » les institutions. Cette déclaration restait apparemment sans effet à Antananarivo, la capitale, où la situation était calme dans l'après-midi. Des heurts ont toutefois opposé brièvement des gendarmes et quelques centaines de manifestants
hostiles au gouvernement près de l'aéroport, à proximité du camp militaire où le général s'est exprimé.

« A partir de maintenant, toutes les institutions existantes sont suspendues, et c'est un Comité militaire qui va gérer les affaires du pays », a affirmé le général Noël Rakotonandrasana.

Accompagné d'une vingtaine de militaires, l'officier s'exprimait au cours d'une conférence de presse organisée dans un camp militaire proche de l'aéroport d'Antananarivo, en périphérie de la capitale.

Cette déclaration était restée sans effet mercredi après-midi dans la capitale malgache où aucun déploiement militaire ou incident n'a été constaté. Elle intervient le jour-même de la tenue d'un référendum constitutionnel organisé par l'homme fort du pays Andry Rajoelina, première étape d'un processus de sortie de crise que conteste une partie de l'opposition.

« Nous sommes en réunion » à ce sujet, a réagi le Premier ministre Camille Vital, interrogé au téléphone par l'AFP. Nous essayons de trouver une solution pour apaiser la situation, car on ne veut pas perturber le référendum», a expliqué M. Vital. Avant d'ajouter : «Ils sont dans le camp, (Coutiti Ancelin, Charles Andrianasoavina, Raoelina,et Noël Rakotonandrasana ) ils sont au nombre de 18. (...) Il ne faut jamais sous-estimer personne mais notre souci est la bonne tenue du référendum ».

Que s'est-il passé exactement ?

Le référendum constitutionnel, son déroulement et ses résultats furent éclipsés hier par le « coup d’Etat d’Ivato ». D’autant qu’hier, en début d’après-midi, des organes de presse étrangères ont présenté le putsch comme réussi et ont déjà annoncé le renversement du régime de transition. C’était aller trop vite en besogne, car les forces « loyalistes » se sont assurés le contrôle de la situation et ont confiné les putschistes dans la caserne de la Bani (Base aéronavale d’Ivato). La situation n’a pas évolué dans la nuit d’hier, d’autant que les négociations annoncées entre les conjurés et le colonel Ravalomanana Richard, chef de l’EmmoReg, n’ont pas eu lieu. On en attend donc de nouveaux rebondissements ce jour.

Que s’est-il donc passé hier ? Vers treize heures, une demi-douzaine d’officiers de l’Armée, réunis à la caserne de la Bani ont proclamé un « coup d’Etat verbal ». Selon eux, leur mouvement dit Conseil militaire pour la Réconciliation nationale a pris le pouvoir et a suspendu toutes les institutions de la transition. Il s’agit d’officiers généraux ou supérieurs à l’air décidé et dont les plus connus sont le général Raoelina Jean Heriniaina, ancien chef de la sécurité du chef d’Etat Marc Ravalomanana et qui est en cavale depuis… deux ans. Le général Noël Rakotonandrasana, ministre de la Défense démis de ses fonctions en juin dernier et qui a ensuite rejoint les Raiamandreny Mijoro dans l’organisation de la conférence nationale. Le colonel Assolant Coutiti, pro-Ratsiraka notoire, libéré par Andry Rajoelina en mars 2009 de la prison de Tsiafahy et censé être en… résidence surveillée à Antsiranana. Le colonel Raberanto Alfred, de la 10ème promotion de l’Académie militaire et que l’on range parmi les pro-Ravalomanana. Le lieutenant-colonel Charles Randrianasoavina qui fut le co-directeur des Forces d’Intervention spéciales (FIS). Ils sont secondés par d’autres officiers, sous-officiers et même des hommes de troupes qui s’engagent aussi dans cette aventure avec détermination.

On notera surtout que les officiers qui dirigent la mutinerie (à défaut d’être un putsch) sont issus des diverses factions de l’Armée proches de l’opposition, notamment les trois mouvances mais aussi la mouvance de Monja Roindefo. Les uns et les autres ont tenu ces derniers mois des conférences de presse et on sait, en gros, quelles sont leurs revendications : règlement rapide de la crise selon une formule consensuelle, respect des droits de l’homme (lors des opérations de répression des manifs), liberté de réunion et de rassemblement… S’exprimant hier en début de soirée, Andry Rajoelina a évoqué ces putschistes qui lui auraient adressé la menace suivante : la démission ou la mort. On croirait ces officiers en tenue de combat crispés sur leurs pistolets mitrailleurs. Les journalistes qui ont pénétré dans leur antre ont surtout rapporté ceci : ils font honneur à la boisson et à la bonne chère et rient beaucoup, d’autant que certains sont plutôt éméchés…

La suite probable des événements : ces officiers, dotés d’un certain rayonnement vont attirer un certain nombre de leurs pairs et leur effectif gonflera au fil des jours. Ils ne vont pas réaliser un coup d’Etat classique avec contrôle de la radio et de la télévision nationales ou prise du palais présidentiel. Apparemment, leur tactique est celle-ci : gonfler leur nombre afin d’exercer une vive pression sur le pouvoir. Après tout, Marc Ravalomanana aussi s’est enfui sans qu’aucun coup de feu n’ait été tiré contre le palais d’Iavoloha. Le régime de transition ne peut se permettre un assaut contre la Bani pour écraser les putschistes, cela accroîtrait les clivages dans l’Armée et pourrait rendre celle-ci ingérable.

Le mieux pour tous les camps, est de composer : que l’on mette un coup d’arrêt à un processus de sortie de crise trop unilatéral, et qui provoque effervescence et violence dans les rues mais aussi dans les casernes. Ensuite que l’on se mette autour d’une table pour dessiner les contours d’une solution politique acceptable pour toutes les parties.

Sinon, la population, qui endure une crise particulièrement pénible, devra encore verser des larmes. Et pas seulement à cause des lacrymogènes…
Adelson RAZAFY

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