Thursday, September 16, 2010

Un malgache enlevé au Niger

L'enlèvement de cinq Français, un Togolais et un Malgache travaillant pour Areva et Satom (groupe Vinci) au Niger, dans la nuit du mercredi 15 au jeudi 16 septembre, est un coup dur pour l'entreprise nucléaire, qui est exposée depuis des années à diverses menaces (rebelles touaregs, Al-Qaida au Maghreb islamique, trafics et banditisme) aux confins du Niger, de l'Algérie et du Mali.

Ce pays du Sahel est, en effet, stratégique pour le numéro un mondial du nucléaire, qui y exploite de l'uranium depuis quarante-deux ans. Le groupe nucléaire en parle même comme d'une "province uranifère majeure". Areva tire au Niger un tiers de sa production mondiale, qui est de plus de 8 600 tonnes en 2009, le reste provenant essentiellement du Canada et du Kazakhstan.

Le pays est également stratégique pour la sécurité énergétique de la France. Même si EDF a diversifié ses sources d'approvisionnement et qu'Areva n'est plus son fournisseur quasi exclusif, l'uranium nigérien est à la base de la fabrication du combustible alimentant un bon tiers des 58 réacteurs nucléaires exploités dans l'Hexagone. Enfin, il est essentiel pour le Niger, qui tire 30 % de ses recettes d'exportation de ce minerai.

DES ACTIONS SOCIALES

Pour l'heure, Areva exploite deux mines au Niger, dans la région d'Arlit et d'Akokan (Nord). Mais ces réserves vont s'épuiser et le groupe dirigé par Anne Lauvergeon a décroché, en 2008, le permis d'exploitation du gisement d'Imouraren, présenté comme le deuxième plus important du monde et le premier d'Afrique.

Ce succès, remporté face aux Canadiens et aux Chinois, n'a été possible qu'après un réchauffement des relations diplomatiques entre Paris et Niamey après des mois de tensions. En 2007, le président Mamadou Tandja (renversé en 2010) avait accusé la France – et Areva – de soutenir le mouvement de rébellion des Touaregs du Nord. Une révolte notamment motivée par les maigres retombées des recettes de l'uranium sur ces populations déshéritées.

Areva a annoncé son intention d'investir 1,2 milliard d'euros dans le site d'Imouraren, qui devrait produire sa première tonne d'uranium en 2013. Et 5 000 tonnes quand la mine tournera à plein régime. Le Niger deviendrait alors le deuxième producteur mondial. Au terme du contrat passé entre Areva et le gouvernement, les deux tiers des revenus tirés de cette exploitation iront au Niger et le tiers restant à la société française (après paiement des impôts et taxes), avait alors précisé Mme Lauvergeon. Elle avait aussi souligné que 30 millions d'euros seraient dépensés sur cinq ans pour des actions sociales et sanitaires. "On ne peut pas travailler dans un pays si les gens ne voient pas ce qu'on fait pour eux", précisait-elle alors.

CONTAMINATION RADIOACTIVE

Les mouvements écologistes sont, eux, beaucoup plus critiques. Ils accusent notamment Areva de ne pas tout faire pour protéger les mineurs et l'environnement d'une contamination radioactive. Pour répondre à ces accusations, Areva a décidé de mettre en place, avec des organisations non gouvernementales (ONG), un "observatoire de la santé" pour assurer le suivi des travailleurs.

Areva détient environ un quart du marché mondial de l'uranium naturel et en est devenu le premier producteur en 2009. Pour répondre aux tensions géopolitiques, il est vital pour le groupe de diversifier ses sources d'approvisionnement. Il n'exploite encore des mines que dans trois pays (Canada, Niger et Kazakhstan), mais il vient de démarrer l'exploitation en Namibie. Par ailleurs, Areva prospecte depuis de nombreuses années en Mongolie et vient d'engager des recherches en Jordanie.

Le pôle minier n'a généré que 10 % du chiffre d'affaires d'Areva en 2009, mais il est essentiel dans son modèle économique, qui se veut intégré sur toute la chaîne nucléaire, depuis la mine jusqu'au retraitement-recyclage des combustibles usés, en passant par la fabrication des réacteurs. En 2008, il avait ainsi vendu deux EPR (réacteurs de troisième génération) à la compagnie d'électricité chinoise CGNPC, mais également cédé 49 % de l'entreprise canadienne UraMin, qu'il avait rachetée un an plus tôt pour gonfler son portefeuille minier, lui fournissant ainsi du combustible. UraMin possédait en effet des droits d'exploitation en Afrique du Sud, en Namibie et en Centrafrique.

Jean-Michel Bezat

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