Friday, July 03, 2009

Varier sa nourriture peut diminuer de 20 à 50% le risque du cancer

Le professeur Serge Hercberg est directeur de recherche à l'Inserm et spécialiste d'épidémiologie de la nutrition. Il a coordonné l'étude publique Nutrinet, une étude menée sur Internet destinée à mieux comprendre les relations entre la nutrition et la santé en France. Dans un chat sur le Monde.fr, il défend l'idée qu'une alimentation équilibrée peut réduire les risques de cancer.

LiLi : Bonjour, je me suis inscrite à l'étude Nutrinet et j'aurais aimé savoir concrètement comment un lien peut être établi entre ce que l'on mange et notre état de santé à long terme, car il peut se passer des années avant d'avoir un cancer ou une maladie cardiaque. Surtout si vous interrogez aussi des personnes jeunes.
Serge Hercberg : En fait, on utilise un grand nombre de sujets (500 000 personnes), on souhaite avoir près de la moitié qui ont plus de 45 ans, et le nombre est suffisant pour que, avec une surveillance de cinq ans, on soit dans des conditions statistiques suffisantes pour établir le lien entre les comportements alimentaires et l'incidence des cancers. L'avantage d'Internet, c'est de disposer d'informations précises sur la consommation des principaux groupes d'aliments. Nous utilisons une table de composition qui permet également de calculer les apports en nutriments : vitamines, minéraux, oméga 3, polyphénols, etc. Et donc de pouvoir croiser les apports dans ces nutriments et le risque de cancer ou de maladie cardiovasculaire, de diabète, d'obésité, etc. C'est pour cela qu'il faut pouvoir avoir un très grand nombre de volontaires.

Hypocondriaque n°1 : L'alimentation a elle seule peut-elle causer des cancers ?

Serge Hercberg : La réponse est non. Les cancers sont des maladies multifactorielles dans lesquelles interviennent des facteurs génétiques, hormonaux, biologiques, environnementaux, et dans ceux-ci, l'alimentation est un facteur. En revanche, c'est un facteur sur lequel il est possible d'agir. On n'est pas capable de modifier les facteurs génétiques – on ne peut pas choisir son grand-père ou sa grand-mère –, mais on peut réguler le contenu de son assiette et ainsi avoir la possibilité non pas d'éviter le cancer, mais de diminuer son risque. Certaines études estiment que cette réduction du risque peut se situer entre 20 et 50 %, ce qui est déjà considérable.

loyk : J'entends souvent à la télévision qu'il faut manger de tout mais que d'abuser de tel ou tel aliment peut provoquer le cancer... Alors abus = cancer ? diversité = bonne santé ?

Serge Hercberg : La diversité, la variété sont des facteurs plutôt de bonne santé. L'insuffisance de consommation, par exemple de fruits et légumes, est un facteur de risque de cancer. Là, on n'est pas dans l'abus, mais dans l'insuffisance d'apports. Une consommation importante d'alcool, sans être vraiment dans l'abus, un verre d'alcool par jour, est associée à un risque plus élevé de cancers, notamment du sein pour les femmes. Une consommation très importante de viande rouge ou de charcuterie est associée à un risque plus élevé de cancer colorectal.
Donc les insuffisances ou les excès de certains groupes d'aliments peuvent en effet augmenter le risque de certains cancers.
cascade : Qu'entendez-vous par consommation élevée de viande rouge ou de charcuterie ?
Serge Hercberg : Les travaux qui ont été réalisés montrent que c'est au-dessus de 500 grammes par semaine – consommation déjà importante – que l'augmentation du risque existe. Ce qui montre bien que l'on peut tout à fait consommer de la viande et de la charcuterie en petite quantité, ce qui est la situation en France chez un maximum de consommateurs. Le jour où on a envie de manger une côte de bœuf de 300 g, ce n'est pas gênant, à condition que ce ne soit pas tous les jours.
thomas : La viande est à limiter ... qu'en est-il du poisson ?

Serge Hercberg : Pour le poisson, il n'y a aucune restriction dans la consommation. On recommande plutôt pour le côté cardiovasculaire un apport d'au moins deux fois par semaine de poisson, notamment pour protéger des accidents vasculaires cérébraux. Donc pas de restriction pour le poisson, comme pour la volaille d'ailleurs.

jibi : Un jour, on nous dit que le vin à petite dose est bon pour le cœur et on nous le conseille, le lendemain il est devenu cause potentielle de cancer... A quel saint se vouer ?
Serge Hercberg : Pour le cancer, nous disposons aujourd'hui de travaux scientifiques sur de très grandes populations qui, en effet, mettent en évidence qu'avec même de petites consommations d'alcool, sous toutes ses formes même le vin, est associée une augmentation du risque de cancer, notamment du sein. Pour les autres cancers, les risques sont associés à des consommations un peu plus importantes.
Pour les maladies cardiovasculaires, nous n'avons pas de preuve évidente d'un effet bénéfique. Même s'il existe quelques hypothèses. Mais de toute façon, le risque pour le cancer étant suffisamment établi, les consommateurs doivent être conscients que dans ce domaine-là, dès le premier verre régulier par jour, il existe une augmentation significative du risque.

Karim : Grand consommateur de fruits et de légumes non bio, je m'inquiète de la teneur en pesticides de ces aliments. N'y a t-il pas un effet contre-productif au final à ingérer ces aliments ?

Serge Hercberg : On peut totalement vous rassurer. Il existe plus de 300 études dans le monde qui ont démontré que les grands consommateurs de fruits et légumes, quelle que soit leur forme, sont associés à un moindre risque de cancer. Aucune étude n'a jamais retrouvé, même dans des pays où les contrôles de pesticides ne sont peut-être pas aussi rigoureux qu'en France, une augmentation des risques.

Les seules études ayant trouvé une relation entre pesticides et risque de cancer sont des études faites chez les agriculteurs qui manipulent, et en grande partie inhalent, ces produits qui, en effet, dans ces conditions, peuvent être cancérigènes. Donc le danger aujourd'hui serait plus grand de ne pas consommer de fruits et légumes par crainte des pesticides que d'en consommer.

Il n'en demeure pas moins qu'il faut recommander aux agriculteurs des pratiques qui diminuent au maximum l'utilisation des pesticides.

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