Tuesday, March 27, 2007

Les affrontements de Kinshasa : Jean-Pierre Bemba risque l'exil et la fin de son leadership d’après Madame Annick Randrianjafy




La plateforme d'opposition Union pour la Nation pourrait se retrouver orpheline de son leader Jean-Pierre Bemba, candidat malheureux à l'élection présidentielle qui s'est mis à l'abri dans les locaux de l'ambassade de l'Afrique du Sud pour échapper à ce qu'il avait qualifié « la volonté du pouvoir de le neutraliser ». Sous le coup d'un mandat d'arrêt, le leader de l'opposition est passible de prison et quoi qu'il arrive ne pourrait plus compter, par ailleurs, sur la puissance de feu que représentait sa garde rapprochée en débandade.

109 de ses miliciens ont entendu l'appel du gouvernement à la reddition et se sont livrés sur une base de l'ONU, selon un porte-parole militaire onusien, Didier Rancher. Quarante-quatre autres partisans armés de l'ancien dirigeant de la rébellion et ex-vice-président de la transition ont été appréhendés en tentant de traverser le Congo, a précisé le colonel Jean Aive Allakooua, porte-parole de la police.

Samedi matin, un calme précaire régnait sur la partie nord de la capitale après deux jours de violences dont le bilan varie selon les sources, entre une soixantaine et plus d'une centaine de tués dont environ 50 soldats de l'armée tués. Il y aurait, selon certaines estimations, un peu plus de vctimes dont au moins 300 gardes de Jean-Pierre Bemba tués. La ville de Kinshasa est sous contrôle de l'armée régulière qui a manifestement profité de sa supériorité numérique et de l'usage des armes lourdes utilisées contre des gardes de Bemba confinées dans un périmètre qui réduisait leurs marges de manoeuvre. La résidence de Jean-Pierre Bemba tendait à devenir, ainsi, un périlleux piège pour ses hommes qui, par ailleurs, selon un des responsables de la Monuc, s'étaient retrouvés sans munitions au bout de 24 heures de combat. Ce qui expliquerait la reddition, la fuite à Brazzaville et la dissémination à travers les communes de Kinshasa des anciens combattants du MLC dont le moral aurait sans doute pris un coup après le refuge de leur leader dans les locaux de l'ambassade de l'Afrique du Sud.

Samedi matin, la circulation a repris timidement, plusieurs stations d'essence ont rouvert vers 11 heures tandis que le grand marché, qui a repris ses activités, a été vite déserté par des vendeurs suite à des tirs sporadiques entendus dans le centre-ville. Pendant ce temps, la police a ceinturé certaines communes où la présence de certains éléments de la garde de Bemba a été signalée, de même que celles où certains jeunes se sont livrés à des actes de pillage.

Quelles suites seront dès lors données à ces affrontements ? L'option judiciaire est celle choisie par les autorités congolaises malgré un appel au dialogue lancé par l'Union européenne et l'Afrique du Sud. Le Procureur Général de la République Tshimanga a, d'ores et déjà, lancé des poursuites contre Jean-Pierre Bemba pour « pillage et haute trahison » et demandé la levée de son immunité parlementaire.

Jeudi 10h30 : Panique générale

Kinshasa a vécu une fin de matinée agitée le jeudi 22 mars 2007. Vers 10 h 30 Une marrée humaine avait pris d'assaut l'avenue du 24 novembre : des parents couraient pour rechercher leurs enfants dans différentes écoles ; bousculades et embouteillages : chaque automobiliste était pressé et cherchait le passage en priorité. Une panique inexpliquée mais tout le monde craignait le pire suite aux affrontements du 21 au 23 août 2006 entre les éléments de la garde rapprochée de Jean-Pierre Bemba et ceux de la Garde Présidentielle. Une situation rendue imminente avec l'installation des soldats des Fardc faisant du coup face à la garde du leader du MLC. L'interview de Jean-Pierre Bemba du 19 mars (cliquez ici) était d'ailleurs prémonitoire.

Un camp ou les deux voulaient apparemment en découdre

Depuis quelque temps, le Chef d'Etat Major des FARDC avait ordonné aux militaires qui, jusque là, n'étaient pas encore brassés de se faire enregistrer auprès de l'Etat Major Général. Etaient ainsi concernés, les militaires affectés à la garde de certains ex Vice-Présidents. Azarias Ruberwa et Jean-Pierre Bemba ont été les seuls à résister. Le premier a fini par libérer ses hommes, tandis que Jean-Pierre Bemba s'y opposait, évoquant l'inquiétude pour sa sécurité personnelle. Il a donc décidé de s'opposer à cette décision. L'ultimatum lancé par le Chef d'Etat Major était arrivé à son terme, et en coulisses les contacts diplomatiques étaient activés pour trouver une solution si l'on en croit certaines sources. Pendant tout ce temps, les forces gouvernementales et les gardes de Bemba se déployaient sur le Boulevard du 30 juin. Des hommes armés des deux camps se sont ainsi retrouvés face à face, certains aux abords du cimetière de la Gombe, et d'autres à quelques mètres de l'une des résidences du sénateur. « C'est une nouvelle façon de tenter de me neutraliser, parce qu'ils ne sont pas parvenus à me tuer et à décapiter l'opposition. Ma résidence est encerclée depuis deux semaines, chaque soir, nous ne comprenons pas pourquoi », a déclaré Bemba sur les ondes de la radio nationale belge (RTBF).

La version gouvernementale des faits

D'après le Ministre congolais de l'Information, Monsieur Toussaint Tshilombo qui s'exprimait jeudi soir sur les antennes de la Radio Télévision Nationale Congolaise, RTNC, les hostilités ont commencé lorsqu'un garde de Jean-Pierre Bemba a tiré sur un élément du 7ème bataillon de l'armée régulière. Cette version a été reprise par le porte-parole du Président de la République vendredi sur la chaîne pro gouvernementale DigitalCongo.

L'opinion n'a donc eu droit qu'à un seul son de cloche car le camp de Jean-Pierre Bemba est resté silencieux jusqu'à présent comme ses chaînes de radio et télévision privées CCTV et CANAL KIN qui ont cessé d'émettre depuis le début des événements. Un silence radio qui semble accréditer la rumeur du pillage de ces radios et télés de même que Molière TV et Tropicana TV, des chaînes plutôt non alignées et modérées.

Le bilan : controverse sur les morts, pillage, racket et Hugo Tanzambi

On ignore pour l'instant le bilan exact de ces affrontements, bien que certaines estimations aient été avancées comme par la Radio France Internationale, captée à Kinshasa qui avance au moins 60 morts alors que les organisations humanitaires parlent de près de 120 personnes tuées et 150 blessés.

Des mortiers sont tombés de l'autre côté du Congo, à 4km de la capitale Brazzaville. A Kinshasa, des bâtiments ont pris feu et une épaisse fumée noire s'élevait d'une raffinerie de pétrole touchée.

Par ailleurs, entre deux salves de tirs, les combattants des deux camps n'ont pas oublié leurs intérêts personnels : des actes de pillage ont été commis dans toute la ville par les éléments armés des deux camps ainsi que par des bandes des enfants de la rue, selon Jean Tobie Okala, porte-parole de la Monuc, qui s'exprimait sur les ondes de la radio « Top Congo FM ». Ces pillages se seraient étendus en dehors du centre-ville comme dans la commune de Barumbu, particulièrement au quartier Bon Marché. 
Dans ce flot d'informations et de rumeurs, à signaler une bourde du ministre de l'Information qui a parlé du pillage des supermarchés Peloustore (sur le Boulevard du 30 juin) et City Market (non loin de Rond point Forescom dans la commune de la Gombe), une information démentie par des images de la chaîne de Télévision Congo Web.

Ce ministre aurait, par contre, livré une vraie information s'il savait le racket auquel se sont livrés les éléments des Fardc sur les paisibles populations. Plusieurs personnes se sont ainsi vu dépouiller leurs téléphones portables, de l'argent ou tout autre objet de valeur.

Par ailleurs, le gouverneur de la ville de Kinshasa a démenti la rumeur du décès de Hugo Tanzambi, cambiste et une célébrité du show-biz congolais qui a été effectivement reçu une balle mais sans succomber à ses blessures.


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