Thursday, November 09, 2006

Le torchon familiale brûle entre Maurice et La Réunion .Apres la séparation des parents la justice décide un « Kidnapping judiciaire »



Hier matin, à l’aube, la police a fait une descente dans l’appartement de Marie-Pascale Séry à Saint-Pierre pour lui arracher ses deux plus jeunes enfants de 4 et 13 ans. La mère de famille a été placée en garde à vue jusqu’à ce que ses enfants embarquent avec leur père pour l’île Maurice par l’avion de 13 heures. Récit d’un drame familial sur fond d’enlèvement judiciaire.

Hier matin, 6 h 30. Une demi-douzaine de policiers en civil, emmenés par le vice-procureur de Saint-Pierre, Georges Gardie, frappent à la porte de l’appartement 63 au 18 allée des Piquants à Saint-Pierre. Dehors, une dizaine d’hommes en tenue surveillent les abords de l’immeuble. Un voisin assiste à la scène. Avec un tel dispositif policier, il pense légitimement que l’on vient coffrer quelques dangereux malfaiteurs. Le brave homme s’en étonne. Car il sait que le logement en question n’abrite qu’une honnête mère de famille et ses trois adorables enfants de 15, 13 et 4 ans. Marie-Pascale Mamode, née Séry, hésite avant d’ouvrir. Car elle comprend subitement ce qui se trame. Elle sait que l’on vient lui arracher ses deux plus jeunes enfants en sursis à La Réunion en vertu d’un arrêt de la cour d’appel de Saint-Denis rendu le 2 mai 2006 et au terme d’une bataille judiciaire perdue d’avance (voir par ailleurs). Elle finit par se résigner à ouvrir sa porte. “Ils s’apprêtaient à la défoncer”, explique-t-elle une fois libre de ses mouvements. La fratrie est sur le point de prendre son petit-déjeuner au moment où les forces de l’ordre pénètrent dans le logement. Marie-Pascale doit prendre son service dans l’établissement qui l’emploie comme assistante maternelle. L’aînée des filles, Zakiyyah, est prête à partir pour le lycée de Terre-Sainte où elle étudie. La cadette, Zahrah, se prépare pour rejoindre les camarades de sa classe de 4e au collège des Tamarins à Saint-Pierre. Seul le petit Zaafir, 4 ans, est encore au fond de son lit avec sa sucette. Sa mère pousse la porte de sa chambre pour l’habiller. Car lui aussi doit suivre d’urgence le cortège en charge de la sale besogne.

“J’AI PEUR”

“J’avais quatre policiers dans le dos pendant que je me brossais les dents. Ils avaient sans doute peur que je prenne la fuite”, confie plus tard Marie-Pascale. Il est environ 7 heures du matin quand les véhicules de la police arrivent au bureau de police de Saint-Louis. Le poste a été exceptionnellement ouvert avant l’heure, sans doute pour garder l’opération secrète jusqu’au départ des enfants. Il s’agit évidemment de ne pas attirer trop vite l’attention. Un quart d’heure plus tard, Marie-Pascale et Zakiyyah font des adieux déchirants aux deux plus jeunes. La mère et l’aînée des enfants, dont le père n’a pas demandé la garde, embrassent le petit Zaafir. Le bambin, qui emporte sa sucette et son doudou comme seul souvenir du bonheur passé, s’éloigne dans les bras d’un policier. Le petit innocent ne réalise évidemment pas qu’on le prive pour longtemps de la douceur des bras de sa maman. La cadette, du haut de ses treize printemps, sait au contraire ce qui l’attend. Elle refuse de suivre le mouvement dans un premier temps. Impuissante, elle lâche prise. Elle emboîte le pas du petit à gros sanglots. “J’ai peur”, lâche-t-elle au moment d’embrasser Zakiyyah. Les véhicules de police partent sans perdre un instant. Marie-Pascale n’est pas libre pour autant. Elle reste en garde à vue dans les locaux du bureau de police de Saint-Louis. Elle ne doit en aucune façon nuire au bon déroulement de la mission supervisée par le parquet général de Saint-Denis. Le voile tombe plus tôt que prévu. Vers 8 h 30, Me Saïd Larifou, l’avocat de Marie-Pascale, reçoit un coup de fil alors qu’il est lui-même sur le point de quitter le département à destination des Comores.

GRÈVE DE LA FAIM À L’AMBASSADE

Hasard du calendrier ? L’avocat est certain que non. Car l’opération a été orchestrée de longue date par une poignée de magistrats soucieux de faire appliquer une décision de justice que Paris réclame à cor et à cri sous la pression des autorités mauriciennes. Toujours est-il que Saïd Larifou prend immédiatement la mesure de la gravité de la situation. Il annule son voyage sans l’ombre d’une hésitation. Peu après, il roule vers Saint-Louis. En milieu de matinée, il s’entretient un court instant avec sa cliente avant qu’elle ne soit transférée au commissariat de Saint-Pierre où sa garde à vue doit se poursuivre jusqu’à 13 h 30. À cette heure-là, ses deux enfants sont sur le point de poser le pied dans l’île sœur en compagnie de leur père, Mohammud, qu’ils ont fui il y a plus de deux ans. Car c’est à lui que les policiers ont remis les pauvres mômes à leur arrivée sur Saint-Denis. Fini les cris de joie de Zahrah dans la cour de récréation du collège des Tamarins. Fini sa brillante scolarité sur les bancs d’un établissement où elle s’épanouissait. Terminé pour le petit Zaafir les jeux et l’apprentissage de la langue française dans sa classe de moyenne section de maternelle. Le bout-de-chou devra se familiariser avec une langue dont il ignore tout. Sitôt sortie du commissariat, Marie-Pascale ne désarme pas. Le temps de boucler une valise, elle prend le premier vol pour l’île Maurice en compagnie de son avocat. “Nous allons chercher à instaurer un dialogue entre les parents dans l’intérêt des enfants. Zahrah, en particulier, a le droit de faire un choix de vie et de déterminer son lieu de résidence”, indique Me Saïd Larifou. Mais évidemment la démarche ne sera pas aisée. Car le père, venu il y a plusieurs mois à La Réunion, s’était borné à exiger un retour ferme et définitif de ses deux plus jeunes enfants à l’île Maurice. Consciente de la difficulté de la tâche, Marie-Pascale a décidé d’entamer une grève de la faim devant les portes de l’ambassade de France à Port-Louis dès ce matin.

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