Saturday, July 29, 2006

Congo-Kinshasa : des élections pour sortir du chaos d’après Annick Randrianjafy



Le Congo est un pays qui aimerait revenir de loin. Pour y parvenir, une première chance lui est offerte, dimanche 30 juillet, lors d'élections monumentales, les premières organisées sous l'égide du multipartisme depuis 1965. Au cours des quatre décennies suivantes, après la splendeur, les habitants de l'ex-Zaïre ont subi une descente aux enfers mise en place par les frasques, les détournements pharaoniques et le despotisme rhéteur de feu le maréchal-président Mobutu Sese Seko, qui aimait à répéter : "L'Afrique est un revolver dont le Zaïre est la gâchette."
Le coup de feu a fini par partir, mais c'est le pays qui s'est effondré, lors d'une course à l'abîme qui a commencé par des pillages généralisés et s'est poursuivie dans un cycle de guerres. Le second conflit, de dimension régionale, a impliqué jusqu'à sept pays africains, et fait plus de deux millions de morts selon l'organisation humanitaire International Rescue Committee (IRC), si on ajoute aux modestes pertes dans les affrontements militaires les victimes de maladies, de malnutrition ou de violences des innombrables groupes armés. Le Congo a aussi frôlé le démembrement, alors que milices et groupes rebelles étaient parrainés par les pays voisins, avides de se tailler des zones d'influence dans la dépouille du "grand Zaïre", devenu entre-temps République démocratique du Congo (RDC).
Le conflit au Congo, mais pas la saignée de sa population, ni les activités de milices, a pris fin avec la signature, en décembre 2002 d'un accord de paix mis en application l'année suivante. Le texte instaurait une transition dirigée par Joseph Kabila, conjointement avec quatre vice-présidents représentant les principaux chefs rebelles ainsi qu'une partie des forces politiques. La formule avait une philosophie cachée, celle "d'acheter la paix" en confiant les ressources de l'Etat aux ennemis de la veille. " Le prix en a été lourd, évalue une source diplomatique. La corruption a atteint des sommets. Au fond, pour mettre fin à la guerre, on a mis au pouvoir une bande de mafieux, il était temps que cela prenne fin."
UN DÉFI AUX ÉLÉMENTS
Pour commencer, le Congo va se doter d'un président, d'une Assemblée nationale et d'un premier ministre, si le processus ne déraille pas. Au total, 25,6 millions d'électeurs doivent voter pour la présidentielle (deux tours) et les législatives (un tour). Pour les 500 sièges de l'Assemblée nationale, 9 707 candidats se présentent, si nombreux dans certaines circonscriptions que certains pourront être élus avec moins de 1 % des voix. Puis, selon un calendrier encore inconnu, suivront des rafales d'élections, courant 2007, pour nommer des représentants allant des provinces aux chefferies.
Dans un pays vaste comme l'Europe des quinze et où les infrastructures ont pratiquement disparu, à commencer par les routes, l'organisation de ces élections est un défi aux éléments. L'entreprise a déjà coûté 420 millions de dollars, à quoi s'ajoute le milliard de dollars nécessaire, chaque année, au fonctionnement de la Mission de l'ONU au Congo (Monuc) et son contingent de 17 000 casques bleus, le plus important au monde.
Pour identifier les électeurs, les inscrire et éditer une carte d'électeur avec photo, il a fallu diffuser à travers le pays des centaines de kits comprenant appareil photo numérique, studio photo et matériel d'édition. Une partie de ces kits s'est envolée dans la nature, transformée en studio photos ou alimentant les craintes de fraude. Certaines listes électorales sont tombées dans le fleuve depuis une pirogue ou ont été égarées au cours d'interminables journées de marche. " Le vote ne sera pas parfait" a averti Ross Mountain, l'un des chefs de la Monuc.
La Monuc a constitué la plus grosse flotte d'avions d'Afrique, pour acheminer 1 800 tonnes de bulletins à travers tout le pays. Dans une circonscription de Kinshasa, le bulletin de vote est grand comme un quotidien déplié, épais de six pages et contient les noms et photos de 800 candidats. Les urnes promettant d'être rapidement emplies à ras bord, il a fallu en commander d'urgence, jusque à en louer au Burundi et les acheminer en catastrophe.
Pour la présidentielle aussi, l'excès semblait de règle. Mais parmi les 33 candidats dont l'un, Mbusa Nyamwisi, s'est désisté à la dernière minute en faveur de Joseph Kabila, le nombre de ceux qui comptent est finalement réduit. Joseph Kabila, 35 ans, est le favori. Arrivé au pouvoir après l'assassinat de son père, Laurent Désiré, en 2001, il a accepté le principe de l'instauration d'un régime semi-présidentiel et la réduction du mandat du chef de l'Etat. Cette bonne volonté et celle qui a permis à des groupes miniers de signer des contrats très avantageux lui ont attiré des sympathies à l'étranger et un rejet d'une partie des Congolais.
Son principal adversaire est Jean-Pierre Bemba. Fils de la nomenklatura mobutiste, devenu homme d'affaires, il avait lancé une rébellion soutenue par l'Ouganda, avant de devenir l'un des vice présidents de la transition. Menacé de poursuites par la justice internationale en raison de crimes de guerre commis par ses troupes dans l'est du pays, incluant des accusations de cannibalisme, M. Bemba a réussi, grâce à une campagne méthodique et à des alliances, à peser sérieusement dans l'élection présidentielle.
En comparaison, l'ex-rébellion soutenue par le Rwanda, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et son candidat, Azarias Ruberwa, devrait perdre beaucoup. Mais tous les calculs sont suspendus à l'étendue éventuelle des fraudes, et de la virulence des contestations. A Kinshasa sont déployés 15 000 hommes de la Garde spéciale de la sécurité présidentielle de M. Kabila. M. Bemba, qui conserve mille hommes dans la capitale, a également un hélicoptère prêt à décoller sur la pelouse de sa résidence, au bord du fleuve.
CHRONOLOGIE :
1885.
L'"Etat indépendant du Congo", propriété du roi des Belges Léopold II
1960.
Le Congo belge accède à l'indépendance.
1965.
Coup d'Etat du colonel Joseph-Désiré Mobutu qui rebaptisera le pays "Zaïre" en 1971.
1997.
Chute du maréchal Mobutu. Laurent-Désiré Kabila se proclame chef de l'Etat après huit mois d'une rébellion soutenue par le Rwanda. Il rebaptise le pays "République démocratique du Congo" (RDC).
1998.
Une nouvelle rébellion dégénère en conflit régional.
2001.
Assassinat de Laurent-Désiré Kabila, auquel succède son fils Joseph.
2002.
L'accord sur le partage du pouvoir ouvre la période de transition.
2005.
Adoption d'une nouvelle Constitution par référendum.
2006.
Un chef milicien d'Ituri est transféré à la Cour pénale internationale (CPI).

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