Tuesday, May 16, 2006

Les chinois font main basse sur nos casernes

La cession du camp militaire RM1 d’Analakely et le site militaire du Fort Voyron se fera bientôt, indique-t-on de source informée. D’ailleurs, le ministre de la Défense, Petera Behajaina, a quitté la capitale vendredi pour Hong Kong probablement pour finaliser les discussions avec le repreneur des installations appartenant aux Forces armées malgaches.

Le directeur de cabinet du ministre a confirmé le déplacement en précisant que son patron a été invité. Aucun détail n’a été donné mais la présence du directeur administratif et financier du ministère auprès du général Behajaina au cours de ce voyage laisse entendre que le voyage a bel et bien un lien avec le projet de cession de ces sites au groupe chinois Gahood Holding International.


Car on voit mal notre ministre de la Défense invité pour discuter d’une éventuelle coopération militaire qui existe déjà avec la Chine dont fait partie Hong Kong depuis 1997 même si la grande cité continue de jouir d’un statut particulier en tant que région administrative spéciale.

Contrairement à ce que le ministre de la Défense a déclaré aux députés, ces sites militaires seront donc cédés au groupe du Dr Hui Chi Ming, le tout nouveau consul honoraire de Madagascar à Hong Kong. D’ailleurs dans le protocole d’accord, le groupe est représenté par un certain Kwan Tak Yan sis au 2 rue Dr Raseta Andraharo qui n’est autre que le siège de la Banque Internationale Chine Madagascar (BICM) dont le Dr Hui Chi Ming a pris le contrôle en 2005. D’après ce protocole d’accord qui « marque l’effectivité de la transaction entre les parties qui s’ engagent alors à poursuivre les discussions techniques, une communication en conseil des Ministres, suivie en conséquence d’un accord formel de ce dernier, consacrera le caractère irréversible de la procédure ». Aucune communication sur le sujet n’a été retransmise dans les rapports des conseils des ministres mais ce dont on est sûr est que Petera Behajaina n’a pu se rendre à Hong Kong sans l’aval du président Ravalomanana. C’est cette absence de transparence qui reste le plus grand problème sur cette opération immobilière. Car autant nous n’avons cessé de militer en faveur du déplacement du camp d’Analakely pour y ériger un centre commercial autant nous avons interpellé l’Etat sur l’absence d’un appel d’offres en bonne et due forme. Car les investisseurs intéressés par ce site, il y en a certainement en plus du milliardaire hong-kongais. Dans nos précédents articles, nous avons d’ailleurs rapporté le projet de cession ou de concession qui était à un stade avancé en 2001 sous la direction de Didier Ratsiraka.

On se demande donc pourquoi le régime cache tant le projet ? L’embarras du ministre de la Défense devant les députés en témoigne. En réalité, la reproche ne devrait pas s’adresser au général Petera Behajaina qui ne serait qu’un simple exécutant du fait que les sites concernés relèvent de son département. L’interpellation serait plutôt adressée au président de la République. Peu ou prou de personnes se souviennent sans doute qu’en accédant à la Mairie d’Antananarivo, l’une des premières décisions de Marc Ravalomanana était de dénoncer l’accord passé par l’équipe de Razanamasy avec le groupe Bourbon pour la construction d’un hôtel sur le site de l’ancien Hôtel de Ville à Analakely. L’une des principaux arguments avancés était l’absence de transparence sur la cession d’un site historique. Durant sa campagne électorale pour les élections municipales, M. Ravalomanana avait par ailleurs promis de reconstruire l’Hôtel de Ville. On sait ce qu’est devenue cette promesse, un jardin dont s’enorgueillit aujourd’hui son successeur et protégé Patrick Ramiaramanana.

Si l’aval du populaire Razanamasy n’était pas remis en cause, sans doute un hôtel de luxe aurait été déjà érigé sur ce site avec ce que cela suppose de création d’emplois, de taxes et surtout de rentrées de devises apportées par les touristes. Finalement, le Chef de l’Etat qui dit publiquement être convaincu de la place prépondérante du tourisme pour le développement du pays, y croit-il vraiment ?

La question se pose devant par exemple sa tergiversation sur le projet du groupe Accor qui comprend, entre autres, la construction d’un grand hôtel sur la même avenue de l’Indépendance. Un projet qui aurait non seulement permis d’augmenter la capacité d’accueil du pays mais surtout de jouir de la présence du leader mondial du secteur qui constituerait un élément plus que positif vis-à-vis de l’ensemble des investisseurs internationaux.

Le régime rétorquera sans doute en affirmant que le partenariat engagé avec le milliardaire chinois prévoit aussi le développement du tourisme. En effet, la reprise du site militaire de Fort Voyron ne peut s’insérer que dans le cadre d’un projet hôtelier, la vue imprenable sur la colline d’Ambohijanahary étant. Depuis le projet Savanna – Pullman en 1989, la colline d’Ambohijanahary a d’ailleurs intéressé une multitude d’investisseurs. Finalement, ce sera donc le groupe du Dr Hui Chi Ming qui prendra le premier possession des lieux.

Tout en permettant de revaloriser une partie du patrimoine immobilier militaire qui est littéralement tombé en ruine, ce projet risque en fait de devenir l’un des dossiers sur lesquels le régime doit rendre des comptes quand le moment sera venu. Les questionnements et les critiques émanant des candidats à la présidentielle peuvent même venir avant l’ouverture de la campagne électorale de la présidentielle du 3 décembre. L’absence d’une quelconque transparence étant en dépit du discours officiel, les adversaires de M. Ravalomanana et/ou de tout autre candidat du régime pourraient semer le doute sur les relations existant réellement entre l’Etat ou plutôt ses dirigeants et ce milliardaire chinois qui serait à la limite l’un des rares à répondre à l’appel de Madagascar après les milliards dépensés en déplacement partout dans le monde. En dépit du désespoir après le flop des investissements étrangers, il serait quand même étonnant sinon troublant qu’un Chef d’Etat décide de partir inaugurer un consulat honoraire dont le bâtiment n’appartient même pas à son pays, font remarquer à ce sujet des spécialistes en relations internationales. Le déplacement est d’autant plus étrange qu’au cours de l’invitation, un contrat d’exploration pétrolière a été signée de gré à gré et sans qu’on en sache les teneurs alors qu’un appel d’offres est prévu en septembre, ajoutent ces spécialistes en faisant remarquer sur cette question pétrolière la démarche officielle faite par la Chine. Au moment où Marc Ravalomanana était à Hong Kong, son homologue chinois était aux Etats-Unis, au Nigeria et en Angola. Dans ces deux derniers pays, il a négocié avec succès des permis d’exploration pour la principale compagnie chinoise. Autrement dit, la négociation s’est faite d’Etat à Etat avec en prime pour le Nigeria une aide de 4 milliards de dollars. Outre donc la cession de sites militaires, ce contrat d’exploration pétrolière risque de donner une image plutôt négative à un investisseur à qui l’on ne peut rien reprocher. Sauf d’être très proche du régime, à la veille de l’élection présidentielle que le TIM veut absolument tenir sans changement du code électoral, encore moins d’adoption d’une loi sur le financement des partis.

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