Friday, April 28, 2006

Révélation des bases moléculaires de l'acquisition de multi-résistances aux antibiotiques


Les multi-résistances aux antibiotiques représentent un problème majeur de santé publique. Dans les hôpitaux, elles sont la principale entrave au contrôle des maladies nosocomiales. Une des voies majeures de dissémination de ces résistances est le transfert entre bactéries d'une classe d'éléments mobiles particuliers, appelés intégrons, porteurs de ces facteurs de résistance. Dans un travail publié dans Nature, des chercheurs de l'Institut Pasteur et du CNRS viennent de visualiser les mécanismes complexes qui expliquent comment ces intégrons se transmettent avec une très grande efficacité dans la population bactérienne. Ces travaux ouvrent une nouvelle voie vers la recherche de traitements destinés à bloquer la transmission des capacités de résistance des bactéries.

Les intégrons sont des éléments mobiles de grande taille pouvant porter de nombreux gènes impliqués dans l'adaptation des bactéries à leur environnement. Certains d'entre eux peuvent rassembler jusqu'à 8 résistances différentes et les véhiculer entre différentes espèces bactériennes pathogènes. Ils participent ainsi à la dissémination des capacités de résistance à des antibiotiques. Pour bloquer ces capacités de dispersion, il est essentiel de connaître avec précision les mécanismes qui sous-tendent cette aptitude au transfert de matériel génétique d'un micro-organisme à l'autre.

Les équipes de Deshmukh Gopaul à l'Institut Pasteur-CNRS URA 2185 et de Didier Mazel Institut Pasteur-CNRS URA 2171, viennent de démontrer, sur la base de mesures cristallographiques, le bien fondé d'un modèle qui avait été proposé dans un travail effectué à partir d'analyses génétiques in vivo (1). Ils ont vu que certaines séquences des intégrons pouvaient prendre une structure tridimensionnelle particulière, condition nécessaire à la reconnaissance par des enzymes de recombinaison (intégrases) ainsi qu'à l'échange de matériel génétique. Ce même mécanisme a par ailleurs été proposé pour la propagation d'un bactériophage porteur d'une toxine dans la population de vibrions cholériques (2).

La combinaison de cette structure unique prise par l'ADN des intégrons et de l'interface formée avec l'enzyme de recombinaison constitue une cible potentielle de molécules destinées à bloquer le transfert de l'intégron. Cette observation ouvre la porte à la recherche de traitements destinés à lutter contre l'inquiétante prolifération des multi-résistances aux antibiotiques.

« Ce qui est tout à fait unique dans ce nouveau mécanisme, disent Didier Mazel et Deshmukh Gopaul, c'est que la reconnaissance des ADN à intégrer utilise un code qui nous a jusqu'à présent totalement échappé. Et l'extraordinaire tolérance que montrent les enzymes de recombinaison pour reconnaître ces structures explique le succès sans égal rencontré par ces éléments dans le développement des résistances multiples aux antibiotiques. »

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