Monday, April 03, 2006

Réussir sa vie ou dans la vie ?



Un simple jeu de mot ? Pas du tout. En fait il existe une différence énorme entre réussir sa vie et réussir dans la vie, même que ce sont là deux choses totalement différentes comme nous allons le voir ensemble.

Jésus disait jadis qu’il était aussi difficile pour un riche d’entrer dans le royaume de Dieu que pour un chameau de passer par le chat d’une aiguille. Pourquoi donc ? Et en quoi la richesse pourrait-elle être un obstacle ? Serait-ce mal d’accumuler des biens matériels ?

Tout d’abord, Il serait important de préciser ici la pensé de Jésus qui était maître dans l’art d’illustrer avec une étonnante précision et une perspicacité hors du commun, différentes réalités de la vie humaine. Comprenons donc que le chat d’une aiguille, auquel faisait allusion l’homme de Nazareth, était une ouverture dans une muraille, donnant accès à la ville. Cette forme d’entrée, étroite et basse, en forme de pointe au sommet, avait pour but de ralentir considérablement l’accès à la ville, de manière à rendre les invasions pratiquement impossibles par des cavaliers. Or il faut comprendre ici que Jésus ne disait pas qu’il était impossible pour un chameau d’y passer, mais que l’opération était difficile. Car pour franchir ces seuils, les bêtes de grandes tailles devaient absolument s’agenouiller et être délestés de leur chargement si celui-ci s’avérait trop volumineux. Remarquable en symbolique !

Dans le cadre du parallèle qu’il traçait entre l’homme riche et le chameau, il est intéressant de comprendre que pour pouvoir accéder au royaume de Dieu, l’homme riche devrait lui aussi s’agenouiller, c'est-à-dire s’humilier et être délesté de sa charge, c'est-à-dire séparé de sa fortune. Durant une discussion avec un jeune homme riche, alors que ce dernier demandait à Jésus ce qu’il devait faire pour accéder au royaume de Dieu, Jésus lui répondit directement qu’il devrait Aimer Dieu par-dessus tout, manifester un respect profond pour autrui, se départir de sa fortune en la distribuant aux pauvres et le suivre.

En d’autres mots, il devrait absolument placer Dieu au centre de ses priorités, utiliser ses avoirs charitablement en en faisant bénéficier ceux qui étaient dans le besoin, et finalement suivre l’exemple de l’homme de Nazareth en plaçant l’amour au cœur de sa vie et en vivant dans la simplicité et l’humilité.

Or, le problème ne réside pas dans les biens proprement dits, car tous en ont besoin pour s’assurer un confort, une sécurité et une existence acceptable. Toutefois, il y a une marge entre veiller à se procurer le nécessaire et faire du matérialisme une priorité absolue, au détriment de sa croissance intérieure.

Ainsi, ceux qui font pratiquement une religion du capitalisme, en consacrant la majeure partie de leur temps, de leurs talents, de leur imagination et de leur énergie, à faire en sorte de toujours avoir plus d’argent, de luxe, de prestige et d’admiration, passent malheureusement à côté de l’essentiel. Pour parvenir à se distinguer, à réussir dans la vie, ils devront être prêt à faire les plus grands sacrifices, confinant souvent entre autres, leur divin Père, leur spiritualité et leur famille au dernier rang dans la répartition de leur temps et de leurs attentions.

Leur vie durant, ils accumuleront donc une pléiades de choses qu’ils devront éventuellement laisser derrière eux au moment de quitter leur enveloppe charnelle. Ainsi la majeure partie, sinon la totalité, de leurs acquis ne leur sera d’aucune aide dans le cadre de leur cheminement dans l’éternité.

Voilà ce que tentait de faire comprendre Jésus aux gens qui l’entouraient. L’homme vivant en société se voit contraint de choisir entre le matérialisme et la spiritualité. L’un comme l’autre apporte des retombées agréables, mais la différence réside principalement au niveau de la durée du bénéfice offert.

Regardons ensemble ces deux choix distincts qui s’offrent à nous encore aujourd’hui.

Réussir dans la vie

La société matérialiste qui nous entoure, s’est donnée comme mission première, de faire survivre le système économique en place et pour ce faire, elle doit s’assurer de maintenir un minimum de circulation d’argent. Or le moyen employé globalement consiste à créer une foule de besoins et de standards dans l’esprit des gens, de manière à ce que ces derniers se sentent en quelque sorte contraints de consommer, sans égard à leur propre intérêt.

Le principe élaboré est des plus simple. D’abord, l’argent est pratiquement présenté comme une vertu qu’il faut travailler à acquérir, ou plus encore comme un dieu qui mérite respect et vénération. Pour faire la promotion de ces valeurs sociales, un large éventail de modes, de produits et services, se voit systématiquement associé au bonheur, à la joie, au bien-être, au succès, à la santé et à la beauté par ceux qui en assurent la production et la mise en vente. L’idée sous jacente à la majeure partie des slogans publicitaires se résument en peu de mots : Si vous achetez nos vêtements, consommez nos produits ou faites appel à nos services, vous serez non seulement heureux et satisfaits, mais par surcroît, vous serez admirés et aimés. Autrement dit, si vous ne suivez pas les modes, si vous ne consommez pas nos produits ou si vous n’avez pas recours à nos services, vous êtes insatisfaits et vous le demeurerez tant et aussi longtemps que vous n’aurez pas fait affaire avec nous.

Une fois l’appât stratégiquement étudié et conçu, les experts du marketing s’occupent alors de propager le message à grande échelle, le plus fréquemment possible et de toutes les façons imaginables. À force d’être inondé par la sollicitation commerciale, le consommateur fini par se laisser tenter et tombe dans le piège. Étant alors momentanément réjouit par son geste de docilité et de soumission capitaliste, il s’empresse de s’en vanter autour de lui, incitant ses proches à en faire autant, si ils le peuvent, de sorte à se convaincre lui-même du bien fondé de son geste.

Évidemment, tous ne peuvent se permettre le même niveau de consommation, n’ayant pas le même revenu or pendant que certains exhibent fièrement leurs nouvelles acquisitions ou vantent l’agrément du nouveau service qu’ils utilisent, d’autres rêvent jalousement de pouvoir un jour en faire tout autant. Se dessine alors un fossé entre les consommateurs en fonction de leur revenu respectifs. Donc, une minorité peut se permettre du luxe et du superficiel, ayant peu ou pas de restriction au niveau de leur consommation, alors que les moins biens nantis financièrement ne peuvent que les envier. Or étant donné que l’envie est une forme de souffrance psychologique, on dit alors que les gens qui ne peuvent consommer librement sont malheureux.

Ainsi, le bonheur se voit faussement associé à la consommation de luxe et de superficialité. Autrement dit, pour être heureux il faut pouvoir consommer abondamment. De là à dire qu’une personne qui en est capable, a bien réussis dans la vie, il n’y a qu’un pas et ce pas, bien des gens le font allègrement à chaque jour.

Aux yeux d’un grand nombre, il est important pour ne pas dire essentiel de tout mettre en œuvre pour réussir dans la vie. Cela sous entend, faire en sorte de pouvoir éventuellement se payer la maison trop grande, la voiture de luxe de l’année, des vêtements griffés les plus dispendieux, de nombreux repas gastronomiques dans les restaurants les plus chics, des visites fréquentes dans les endroits prisés par le jet-set, des voyages dans les lieux les plus exotiques, etc.

Ceux qui parviennent à s’ajuster à ce standard sont vus comme des gens ayant bien réussis dans la vie alors que les autres sont souvent malheureusement vus comme des personnes ayant tout simplement échoués.

Pourtant il existe un grand nombre de gens ayant « assez bien réussis dans la vie », qui sont loin d’être heureux. Ils ont beau avoir l’admiration générale, le prestige, la maison, le chalet, la voiture, les bijoux, les cartes de crédit sans limite et les tous derniers gadgets, cela ne fait pas d’eux pour autant des gens authentiques, bien dans leur peau, épanouis, sereins, sages, réfléchis, emphatiques, appréciés, intéressants et en plein contrôle d’eux-mêmes. Et c’est justement là que se trouve la différence entre ces derniers et ceux qui ont réussis leur vie.

Réussir sa vie

Réussir dans la vie consiste à se distinguer à l’intérieur des balises matérielles fixées par un système dont la survie dépend directement de la consommation, alors que réussir sa vie se rapporte exclusivement au développement spirituel de l’individu.

Tout être incarné ici-bas se voit très tôt initié aux rudiments du savoir plaire. Il apprend entre autre, que pour être aimé, il doit dire et faire, non pas ce qu’il croit juste, mais ce que les gens attendent de lui. Ainsi, poussé par ses besoins viscéraux d’Amour, de tendresse et d’affection, il se crée malgré lui un personnage séduisant apte à favoriser son acceptation par le milieu où il évolue de manière à pouvoir y combler ses besoins par l’entremise d’un sentiment momentané d’appartenance conditionnelle. Sa vie durant il exercera son pouvoir de séduction et peaufinera son personnage en fonction de la pression qu’exerceront en lui ses besoins contextuels. Ainsi dilué dans l’essence même de son identité, il perdra graduellement contact avec sa réalité propre et deviendra peu à peu le fruit d’un système déshumanisant axé sur l’avoir et sur le paraître plutôt que sur l’être.

On lui enseignera qu’il importe de toujours agir de manière à être bien vu afin d’avoir droit aux bonnes grâces des gens. Dans certains milieux il sera d’avantage apprécié s’il sait faire preuve de soumission inconditionnelle et s’il apprend à user adéquatement de la flatterie plutôt que de manifester une autonomie de pensée et franchise ouverte. Dans d’autres milieux, il découvrira qu’il est plutôt avantageux pour lui d’endosser la peau d’un personnage rebelle, agressif, méprisant et immoral, au style quelque peu voyou afin de s’attirer la sympathie de l’entourage. Mais dans un cas comme dans l’autre, il adoptera graduellement une façon de penser, de parler et d’agir, contextuellement favorable à ses objectifs, qui détruiront lentement mais sûrement sa véritable identité profonde.

Ainsi, nonobstant le niveau de popularité, le prestige, le confort et la réussite acquise dans sa vie, l’être déformé par le rôle se verra avec le temps, enchaîné par le personnage et finira tôt ou tard par en souffrir. Ne sachant plus qui il est ni ce qu’il doit faire pour se débarrasser du mal d’être et de l’insatisfaction quasi chronique qui le rongent, il tentera bien souvent d’adoucir la souffrance intérieure qui le ronge douloureusement et d’alléger ce fardeau qui l’écrase jour après jour en se vautrant dans l’alcool, les drogues, le jeux, le sexe ou le luxe. Mais ce sera en vain car les carences profondes de son âme, de son individualité proprement dites demeureront toujours présentes et inassouvies.

Or même s’il a, aux yeux de la majorité, apparemment bien réussis dans la vie, en fonctions évidemment des normes matérielles établies par le système social superficiel de consommation, dans les faits, cette personne aura totalement ruiné sa vie en causant son propre malheur et bien souvent celui de son entourage direct.

Il s’agit là d’une réalité vécue par un grand nombre de gens qui ayant acquis une certaine notoriété temporairement enviable à court terme, se retrouvent à plus long terme, intérieurement fissurés, fragmentés et isolés par leur personnage dans un monde où ils se sentent bien souvent malheureux et incompris.

Réussir sa vie n’a donc rien à voir avec la notion superficielle et matérielle qu’illustre l’expression « réussir dans la vie ». Pour réussir sa vie, l’être doit, contrairement à la tangente populaire, d’abord se départir des illusions et des valeurs sociales imposées pour découvrir ce qu’il est au plus profond de lui-même. Ensuite il doit assumer son développement intérieur et s’efforcer d’être, en tout temps et en toute chose, plutôt que de paraître. Durant ce long processus d’éclosion qui ne s’achève qu’à la mort du corps, l’individu prend peu à peu conscience de ses forces et de ses faiblesses et fait graduellement connaissance avec ses impulsions animales, la superficialité des valeurs sociales basées presque uniquement sur les apparences, ainsi qu’avec ses besoins réels. Confronté dès lors à sa propre réalité, il apprend à contrôler ses instincts et à dominer sa soif de grandeur, de pouvoir, de prestige et de domination. Il s’assume pleinement en tant qu’être unique et évite de se laisser corrompre dans sa personnalité propre par les influences de toutes sortes qui l’assaillent de toutes parts, tout au long de sa vie. Travaillant quotidiennement sur son caractère et cultivant en lui l’Amour, la douceur, la sagesse, l’empathie, la charité, le pardon, la tolérance, l’honnêteté, la franchise, l’humilité, le respect de lui-même et d’autrui, la simplicité, la retenue et l’authenticité, il devient lentement mais sûrement un être entier, spirituel, intègre et pacifique, capable de vivre en harmonie avec son créateur, avec l’univers dans son ensemble, avec la nature, avec les autres et avec son propre corps.

Apparemment idéaliste comme objectif, cet accomplissement pourtant bien réaliste et possible, demeure néanmoins le travail de toute une vie. Toute personne ayant choisi de cheminer en ce sens pourrait témoigner de la somme importante de persévérance et d’efforts requis. Mais comme je le précisais plus tôt, la graduation clôturant cet apprentissage ne survient qu’à la toute fin de l’existence terrestre. Or comment une personne peut-elle procéder à une évaluation juste lorsqu’il est question de savoir si elle est parvenue à réussir sa vie ? C’est bien simple. Il n’a alors tout bonnement qu’à se comparer. Non pas avec les autres, mais avec lui-même, avec ce qu’il était jadis. S’il peut constater une amélioration sur le plan du caractère, s’il peut honnêtement voir un progrès dans sa façon d’agir, de réagir, de penser et de parler, s’il peut noter des changements positifs au niveau de sa patience, dans sa façon de percevoir et de traiter les autres, ou dans sa manière de gérer ses impulsions négatives telles la frustration, la colère, l’envie, la jalousie, la possessivité, si sa maturité à fait de lui un individu plus sociable, plus aimable, plus tendre, plus enclin à tenter de comprendre autrui plutôt qu’a juger, plus ouverte d’esprit, plus modérée dans ses prétentions, plus terre à terre dans ses rêves, plus rationnel dans ses raisonnements, autrement dit, plus humain et en meilleur contrôle de lui-même, alors il peut se dire qu’il est véritablement sur la bonne voie conduisant à l’accomplissement personnel.

Celui qui s’engage sérieusement sur ce chemin, ne peut que réussir sa vie, peu importe le niveau de progrès qu’il aura atteint au moment de conclure son passage temporaire sur terre, car le principe n’est pas d’atteindre un degré de perfection qui n’existe en ce monde qu’au niveau théorique, mais bien d’utiliser intelligemment le temps qui nous est alloué pour croître, pour grandir, pour maturer spirituellement parlant, en apprenant à privilégier le réel plutôt que l’illusion et l’authenticité plutôt que la personnification, en apprenant à cultiver l’amour plutôt que l’ego, en cherchant à accumuler les vertus plutôt que les biens matériels et en saisissant toute opportunité qui nous est offerte par la vie de découvrir et de comprendre les diverses subtilités composant la réalité humaine, c'est-à-dire, notre réalité cosmique. Voilà en quoi consiste la véritable croissance.

Pour y parvenir, il n’est point nécessaire d’avoir, de posséder, d’acheter ou de consommer. La pauvreté n’est pas même un obstacle, mis à part la pauvreté de cœur. Le confort autour de soi ne peut rivaliser avec les bienfaits du confort en soi. Être utile ne peut se comparer à bonheur, d’être aimé véritablement et profondément, non pas pour ce que l’on fait ou pour ce que l’on prétend être, mais simplement pour ce que l’on est réellement. Acquérir des biens et de l’argent ne peut remplacer les bienfaits d’acquérir de la sagesse. Être respecté par crainte ou par peur ne peut équivaloir au bonheur d’être apprécié par amour.

La liste pourrait ainsi s’allonger sur de nombreuses pages, mais l’essentiel du principe est simple, les apparences sont généralement fort différentes de la réalité. Celui qui choisit de paraître, s’il y parvient, risque de gagner l’admiration, l’adulation et la crainte de ceux qui ne voient guère au delà des apparences et d’attirer à lui les gens suffisants, flatteurs, opportunistes, profiteurs, hypocrites, menteurs et manipulateurs qui se complaisent dans la critique, qui aiment la zizanie, qui prennent plaisir à fomenter le trouble et les dissensions, qui se complaisent dans l’illusion de connaissance, qui aiment se croire supérieurs aux autres et dont la morale est aussi élastique que la conscience. Ils lui témoigneront un amour apparent mais surfait en espérant, d’une façon comme d’une autre, tirer profit de cette relation intéressée et calculée. Cela aura pour effet de faire naître en lui de nombreuses désillusions, d’amères déceptions, de la frustration, de la colère, de l’anxiété, de l’inquiétude face à l’avenir, de l’impatience, de l’amertume, de l’insatisfaction persistante, en plus du sentiment marqué d’être généralement incompris et d’une crainte quasi constante d’être trahis ou de perdre la reconnaissance populaire.

En contrepartie, l’être authentique croît en sérénité en confiance et en contrôle de lui-même. Les gens qui recherchent sa présence, apprécient et partagent généralement les valeurs véritables et durables qu’il cultive en lui et apprécient sa présence pour l’authenticité qu’il incarne, pour la sensation de paix et d’harmonie qui est palpable autour de lui, pour la franchise, la sincérité, la sagesse et le respect qu’il manifeste au quotidien, pour l’empathie et la grandeur d’âme qui le distingue, pour l’humilité qui le caractérise, pour le charisme qu’il dégage et pour l’amour qu’il témoigne aux gens.

C’est là toute la différence entre ces deux réalités distinctes. Maintenant, à vous de décider pour vous-mêmes s’il vous est préférable d’établir vos priorités de sorte à investir temps et efforts pour réussir dans la vie, selon les normes sociétaires ou si vous n’auriez pas plutôt intérêt à privilégier avant tout, votre cheminement intérieur en accumulant des trésors que les voleurs, la rouille et les vers ne pourront vous enlever, et ainsi réussir votre vie et savourer éternellement tous les bienfaits profonds et durables qui découlent d’un tel choix.

À VOUS DE CHOISIR !

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